PROCESUn néonazi valaisan condamné à onze ans de prison pour une tentative d'assassinat dans une discothèque à Saillon en 2009.

Un skinhead valaisan va passer onze ans en prison pour avoir tenté d'assassiner un Valaisan d'origine kosovare une nuit de décembre 2009 à la discothèque La Bastide à Saillon. C'est la même peine que celle requise hier matin par le procureur André Morand devant les juges Christophe Joris, Pierre Gapany et Claude Vuadens du Tribunal de Martigny qui ont rendu leur verdict rapidement en fin de journée.
"Oublie Hitler, il est mort"
La victime, âgée alors de 26 ans, se trouvait dans le fumoir de l'établissement avec des collègues de travail, après un souper d'entreprise. Un groupe de skinheads, arborant des t-shirts avec des slogans d'extrême droite, y entre à son tour vers 2 heures du matin. Meneur de la bande, l'accusé, fait l'éloge d'Hitler devant eux. Le Suisse d'origine kosovare lui dit calmement: "Oublie Hitler, il est mort."
L'accusé, alcoolisé, sort alors rapidement son couteau à cran d'arrêt. Et sans dire un mot lui tranche profondément la gorge, lui sectionnant la carotide, ainsi que plusieurs nerfs. La plaie fait dix centimètres.
Dans la discothèque, c'est l'horreur. A l'époque, un collègue de la victime racontait: "Pendant vingt-deux minutes, j'ai mis mes deux mains sur sa carotide pour essayer de le maintenir en vie. Il y avait du sang jusqu'au plafond." Le blessé échappe de justesse à la mort.
Froide indifférence
Hier, la victime, la voix brisée par l'émotion, a raconté s'être accrochée à la vie cette nuit-là, en pensant à ses parents lorsqu'elle a senti, à plusieurs reprises, qu'elle "partait". Pendant ce temps, à quelques mètres de là, l'agresseur se montrait décontracté, voire même souriant, une cigarette dans une main et son couteau dans l'autre...
Aujourd'hui, soigné quotidiennement par un physiothérapeute, le Suisse d'origine kosovare n'a pas retrouvé l'usage de son bras gauche, souffre de troubles psychiques et a perdu toute vie sociale depuis le drame, étant devenu agoraphobe. Hier, il a quitté plusieurs fois la salle d'audience pour prendre des antidouleur.
Drame évitable?
Ce soir de décembre 2009 dans un bistrot de Saxon, l'agresseur, âgé alors de 21 ans, avait déjà cassé deux dents à un musicien, toujours sans raison. Pourtant, ivre et violent, il n'avait pas été arrêté par la police qui avait fait le déplacement, sans même trouver son couteau illégal, si fouille il y a eu. L'individu était pourtant connu, puisqu'il avait déjà roué de coups un homme à Riddes en 2007 et avait même été jugé pour cela. Electricien apprécié de son employeur, serviable avec ses proches, l'homme avait une autre facette bien plus sombre.
Extrémiste de droite, il arborait la panoplie du parfait skinhead (crâne rasé, bottes, veste militaire et pantalons serrés). A son domicile, les enquêteurs ont trouvé un drapeau nazi, un serment du corps des SS encadré au mur, ainsi que des livres sur le IIIe Reich.
Crime ethnique
En prison préventive depuis 2009, l'individu, une armoire à glace connue pour avoir le vin mauvais, ne s'explique toujours pas son geste. "Je ne comprends pas. J'ai gâché la vie d'un honnête homme n'ayant rien à se reprocher. J'assume", a-t-il déclaré hier. Pourtant, le mois suivant le drame, lorsqu'on lui demandait s'il aurait sorti son couteau face à un Suisse, il répondait avec une franchise sidérante: "Non, car on fait partie de la même ethnie". Des propos choquants pour le procureur, qui utilisera le terme de "monstrueux".
Son défenseur, Me Gonzague Vouilloz, a contesté un acte raciste, demandant hier que la tentative de meurtre soit retenue (cinq ans de prison au minimum contre dix ans pour l'assassinat).
Me Bastien Geiger, avocat de la victime, a parlé de complaisance envers ce "prédateur", en critiquant les circonstances atténuantes retenues par le Ministère public pour demander à peine plus que le minimum de dix ans. Me Geiger a aussi décrit le Valaisan comme un manipulateur n'ayant pas changé, prenant comme exemple le coup de théâtre survenu cette semaine.
C'est seulement à la veille du procès que l'accusé a rendu un pistolet et un fusil d'assaut lui appartenant. Des objets qu'il refusait de donner à la police depuis 2009.
De quoi faire craindre, en effet, que l'homme soit resté le même depuis son crime.
Source : Le nouvelliste.