« C’est la lutte des classes ici, nous ne pouvons pas vivre avec 400 euros. » Ils sont arrivés de tous les quartiers de la ville pour clamer leur colère. Le cortège du PAME, le Front militant des travailleurs, animé par le Parti communiste de Grèce (KKE), a rejoint celui des confédérations syndicales des ouvriers et employés. Malgré la nuit tombante et la pluie battante, ils tenaient à exprimer leur colère face aux nouvelles mesures d’austérité imposées sur ordre de la Troïka (Union Européenne, Banque centrale européenne et FMI). Pour celle-ci, cette expression populaire est inacceptable. Et, à nouveau, la police anti-émeute a bombardé la place Syntagma de gaz asphyxiants. Les manifestants ont résisté avec les moyens du bord : des masques, des mouchoirs et du Maalox contre l’acidité des gaz qui provoque des vomissements.
Le 3e mémorandum d’austérité a été adopté dans la nuit du 7 au 8 novembre à une courte majorité de 153 députés de la Nouvelle Démocratie (ND, conservateurs) et du Pasok (sociaux-démocrates) sur les 300 que compte le Parlement. Les députés du troisième parti de la coalition gouvernementale, la Gauche démocratique, se sont abstenus. Six députés Pasok et un de la ND se sont également abstenus et ont immédiatement été exclus de leurs partis.
Ce nouveau plan d’austérité impose notamment la réduction des salaires des travailleurs du secteur public et des pensions, l’augmentation de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans, la suppression de toutes les primes restantes, des coupes sévères dans les allocations familiales, les prestations sociales, les soins de santé et l’enseignement.
En 4 ans d’austérité, près de 2 millions de Grecs ont perdu leur emploi et 68 000 petites entreprises ont fermé leurs portes.
« Ce sont les dernières diminutions des salaires et des pensions », a déclaré le Premier ministre, Antonis Samaras. Comme à chaque mémorandum d’austérité… Les Grecs ne sont plus que 28 % à lui faire encore confiance, selon les sondages. Et les 30 juges de la Cour constitutionnelle ont déclaré que ce mémorandum viole les principes de la Constitution qui proclament la protection de la dignité humaine et de l’emploi.
Samaras a ajouté : « La Grèce a franchi une étape décisive, j’en suis très satisfait. » Satisfait de quoi ? De réduire à nouveau les salaires et les pensions ? De voir les chômeurs sans allocation se nourrir dans les poubelles ? D’avoir exclu près d’un tiers des Grecs du système de remboursement des soins ? De continuer à accorder des cadeaux de l’État aux grosses entreprises pour leurs investissements douteux ? De ne pas poursuivre les 2000 riches Grecs qui ont placé leur argent dans les paradis fiscaux ? De permettre à des néo-nazis de faire la chasse aux immigrés ?
Pendant ce temps, l’Institut national de statistique vient de publier les derniers chiffres officiels du chômage, datant d’août dernier. En un an, le taux de chômage a augmenté de 7 %. 25,4 % de la population active est aujourd’hui sans emploi. Chez les jeunes de moins de 25 ans, ils sont 58 % et chez les femmes, 29 %. En un mois, 36 000 personnes ont perdu leur emploi, soit plus de 1 000 par jour. Imaginez, un Ford Genk tous les dix jours ! Et cela, alors que les mois d’été offrent généralement davantage d’emplois saisonniers. Les chiffres de septembre seront dès lors encore plus dramatiques.
Dans les entreprises, la situation se dégrade de jour en jour. En plus des pertes de salaires, les travailleurs subissent des menaces de licenciement et des intimidations. Il s’agit d’organiser la résistance avant tout sur les lieux de travail, estime le PAME, à l’exemple des sidérurgistes qui ont mené une grève pendant 9 mois. Par leur lutte, ils ont pu empêcher le patron de réduire leurs salaires. Comme le souligne Nikos Papageorgiou, président du syndicat de l’Horeca dans la région d’Athènes : « Si nous ne nous organisons pas et ne luttons pas pour une rupture profonde au niveau économique et politique, il n'y aura pas moyen de rétablir le niveau des retraites, des droits sociaux, de la sécurité sociale d'il y a deux ou trois ans. »1
1. Rizospastis, 8 novembre 2012