Dans le cadre d’un précédent post consacré à Pierpoljak , le documentaire réalisé en 1966 par Manu Bonmariage, (réalisateur de séquences cultissimes pour l’émission « Strip tease « ) intitulé « Hamsa, la rage au ventre » a déjà été évoqué sur ce canal.
Manu Bonmariage avait suivi pendant quelques mois Farid, un ancien skinhead des Halles, devenu malade du SIDA, après être tombé dans l’héroïne comme pas mal de ces tondus, qui tabassaient et dépouillaient les dealers, certes, mais pour mieux s’injecter leur came dans les veines. Farid , skinhead banlieusard d’origine arabe, fit parti du premier contingent des supporters de La Souris Déglinguée, ces skins des Halles, supporters des premières heures aussi fidèles que remuants. Il était le prototype du « skin rock rebeu » chanté par Tai Luc dans « Rockers »
Farid malgrès son petit gabarit avait une réputation de fighter et de dépouilleur , ainsi qu’en témoignait Denis des Swingo Porkies au fanzine Une vie pour rien :" Le premier skin que j'ai vu, c'était Farid, aux Halles, il m'a dit « Tu chausses du combien ? », et puis il n'y a pas eu d'embrouilles finalement "
Fabian , un autre ancien des Halles bien connu dans les travées du Parc des Princes, relatait dans le même fanzine qu' "aux Halles, quelqu'un comme Farid qui n'était pas un monstre, disait tout le temps : « Celui qui assure, ce n'est pas celui qui est le plus fort, c'est celui qui n' a peur ni de prendre ni de donner ".
Dans Hamsa, les années skinhead sont déja loin derrière Farid. Farid très amaigri, y apparaît à Paris en compagnie de l’écrivain Catherine Pancol, dont il semble proche, puis part se ressourcer à la campagne dans la Nièvre, chez un ami d’enfance. Cet ami ayant fuit Paris pour se consacrer à la culture clandestine de « sensi de la vreu » n’est autre qu un ancien skin des Halles surnommé à l’époque Pierrot le fou , sur le point de devenir Pierpoljak. Pierpoljak installé paisiblement à la campagne avec femme et enfants, reçoit son ami, écoute sa douleur et lui fait découvrir les chansons qu’il a composé pour son futur 1er album. « Le mec bien » « Les rues de lombeco » « sont ainsi livrées dans des versions acoustiques, Pierre à la guitare, parfois rejoint par Farid à l’harmonica.
Plus qu’un reportage sur un malade du SIDA, ce reportage est un magnifique reportage sur l’amitié, sur les liens issus du passé qui permettent de se retrouver au delà des différences. Inévitablement comme deux vieux amis, les souvenirs de la jeunesse tumultueuse refont vite surface, et l’époque des Halles est évoquée sans fards, avec son lot de haine et de violence.
Ce passage est l’occasion d’une scène qui va à l’encontre des idées préconçues sur cette époque, où Pierpoljak souligne que si lui même n’a jamais été attiré par les idées fascistes, a contrario Farid aimait bien cette imagerie « les gros ceinturons, les gros SS ». La période « sympathy for the devil » de Farid fut toutefois de courte durée si l’on juge par les souvenirs émus de Didier Wampas lors d’un concert où Farid lui mis la pression suite à une provocation scénique , évoquée précédemment ici.
A l’issue du documentaire , les jours de Farid paraissaient comptés, il fut annoncé entrant en enfer ou au paradis plusieurs fois , mais au final la trithérapie lui a permis de survivre à la maladie. Farid fit ensuite sa réapparition médiatique dans le documentaire controversé Antifa chasseurs de skins.
Hamsa a enfin été mis en ligne par les bons soins d’un camarade qui vient de se lancer dans l’exhumation de VHS pour notre plus grand bonheur, il ne vous reste donc plus qu’aller vous installer confortablement pour le regarder.