«Je trouve ça vraiment déplorable», a commenté au Soleil le rappeur dont le père est Sénégalais et la mère Québécoise et qui donne parfois des conférences sur le racisme dans les écoles. Même si Philippe, bassiste de Légitime Violence, a nié dans nos pages que son groupe soit néonazi ou fasciste, le rappeur n'a pas été convaincu par ses explications.
«À l'époque, on nous avait retirés d'Envol et Macadam parce qu'on prétendait que le groupe avait des liens avec le scandale de la prostitution juvénile alors que ce n'était pas le cas. Personne de Limoilou Starz n'a été arrêté pour ça. Nous connaissions certains des accusés, car nous avons grandi dans le même quartier qu'eux, mais ils ne faisaient pas partie du groupe. Il y a bien un des accusés qui est apparu sur la même compilation que nous, et je crois que c'est ça qui avait mené à notre retrait du festival», se souvient Webster, qui avoue toutefois avoir participé à Envol et Macadam en tant qu'artiste solo il y a deux ans.
Plaintes
Cette année, une vingtaine de plaintes contre la présence de Légitime Violence à Envol et Macadam le 1er octobre ont amené le conseil d'administration à se pencher sur le cas du groupe skinhead. Le directeur général Simon Gaudry a toutefois décidé de ne pas accéder à la demande des plaignants, soulignant que le festival ne faisait pas de censure, que les autorités policières ne lui avaient pas suggéré de retirer le groupe de sa programmation et ajoutant qu'à sa connaissance, ils n'avaient rien à voir avec le mouvement néonazi.
«Moi, je trouve que c'est deux poids, deux mesures! Je crois que le fait que M. Gaudry connaisse bien certains membres du groupe ait pesé dans la balance. Si ce groupe disait du mal des francophones en les traitant de frogs, est-ce qu'il serait là pareil?» se demande le rappeur.
Aly Ndiaye avouait ne pas connaître Légitime Violence avant d'apprendre que plusieurs plaintes avaient été acheminées à Envol et Macadam. «Mais je me suis informé sur eux et, s'ils ne sont pas néonazis, ils partagent tout de même des idées ultranationalistes et d'abus identitaire et il semble qu'ils aient de gros problèmes avec les gens de gauche», déplore-t-il.
Evil Skins
«Aussi, selon moi, s'ils reprennent des chansons d'Evil Skins, c'est déjà un bon indicateur de leur mentalité. Si tu reprends les pièces d'un groupe néonazi, c'est que ça te parle», ajoute-t-il.
Légitime Violence a repris au moins deux pièces d'Evil Skins, Bêtes et méchants et Amour perdu, une chanson qui se moque des juifs dans les camps de concentration et qui se termine par le vers «Déroulons les barbelés, préparons le Zyklon B». L'ancien bassiste de ce groupe français, Régis «Madskin» Kerhuel, purge présentement une peine de prison pour le meurtre d'un jeune Noir, empoisonné après avoir été forcé à boire un mélange de bière et de peroxydase en 1990.
«Mon cousin a été attaqué il y a cinq ans par des gars proches de ce milieu», enchaîne Webster en faisant référence à l'agression dont a été victime le rappeur Eddie Racine en 2006. Racine avait été agressé par cinq skinheads néonazis qui l'auraient poursuivi en criant «White Power».
Le jeune père de famille avait ensuite été sauvagement battu à coups de clé à molette. Une opération avait été nécessaire à la suite de l'agression, et il avait fallu lui refaire le visage. Personne n'a jamais été mis en accusation dans ce dossier, même si la police avait arrêté deux individus.
D'autres appels au retrait
Mis au courant de la décision d'Envol et Macadam de garder Légitime Violence à sa programmation, le rappeur Webster a décidé de mener sa propre campagne sur Facebook pour inciter le festival à réviser sa décision. Le blogue de gauche L'observateur du Québec a emboîté le pas cette semaine.
«J'invite les gens à écrire au festival pour leur demander de retirer ce groupe de leur programmation. Je sais qu'il y en a plusieurs qui ont écrit, mais je ne sais pas l'effet que ça aura. Idéalement, il faudrait qu'ils les retirent, mais, au moins, il faudrait qu'ils réagissent à nos arguments», explique le rappeur, qui a lui même acheminé une lettre au festival.
«Comment pouvez-vous laisser une vitrine à un groupe de musique reprenant des chants néonazis?» demande-t-il dans la missive qu'il dit avoir écrite pour informer le festival de son désarroi par rapport à sa décision.
Dommage
«Envol et Macadam est un très bel événement. C'est dommage que ce choix peu judicieux vienne ternir l'image de ce festival. Avez-vous pensé à leurs supporteurs? Toute la crème raciste et néonazie de Québec va sortir de son trou pour aller voir ça. Les Noirs, les Arabes, les Asiatiques, les Latinos, les homosexuels et les gens de la gauche devront-ils éviter Saint-Roch cette journée-là? Ou au contraire, viendront-ils confronter ce groupe et leurs supporteurs?»
Sur le blogue L'observateur du Québec, Robert Tremblay invite aussi ses lecteurs à s'opposer à la venue de Légitime Violence en communiquant avec le festival.
Pour Webster, ces initiatives démontrent que plusieurs ne sont pas d'accord pour qu'on laisse une place à ce groupe. Le rappeur avoue également qu'il est partagé à savoir s'il ira faire un tour à Envol et Macadam la journée du spectacle. «J'aimerais être dans le coin si quelque chose se passe, mais, en même temps, je ne voudrais pas jeter de l'huile sur le feu», conclut-il.
Source : site "Le soleil".