L’admission de la Palestine en tant qu’État observateur non membre à l’ONU constitue incontestablement un tournant politique majeur et assurément une bonne nouvelle pour le peuple palestinien, qui en était privé depuis de longues années. L’État palestinien a désormais accès aux différentes agences de l’ONU et a acquis la capacité de saisir la Cour pénale internationale. Est-ce pour cette raison que le gouvernement israélien a réagi par des représailles scandaleuses ? Il est certain que la perspective de la construction de 3 000 nouveaux logements sur des terrains illégalement annexés à l’est de Jérusalem et la confiscation des produits des taxes d’importation (d’un montant de 92 millions d’euros) ne feront qu’envenimer les choses. Ce qui reste néanmoins un succès pour l’Autorité palestinienne ne peut faire oublier pour autant le drame effroyable du conflit ouvert à Gaza il y a moins d’un mois et de ses terribles conséquences. Grâce à de nombreuses interventions et à la détermination du président égyptien Morsi, un cessez le feu est intervenu pour mettre fin à ce qui risquait fort de devenir une sinistre répétition de l’opération
“Plomb durci”. Il reste à espérer que le Hamas et l’Autorité palestinienne parviennent à reconstruire l’unité politique de la Palestine, sans laquelle aucun progrès significatif ne peut être envisagé. Si la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine enregistre avec satisfaction l’attitude déterminée du gouvernement français qui a voté pour l’admission de la Palestine à l’ONU après avoir voté pour son admission à l’UNESCO, force est de reconnaître qu’il reste beaucoup à faire pour amener l’État d’Israël à mettre fin à la colonisation et au blocus de Gaza et, d’une façon générale, à respecter le droit international. La France peut et doit reconnaître unilatéralement l’État palestinien, comme la France peut et doit envisager des sanctions contre les agissements iniques et irresponsables de l’État d’Israël. Un premier geste consisterait à prendre des mesures d’étiquetage et à terme d’interdiction des produits des colonies dans l’Union européenne, dont l’exportation contribue considérablement à l’existence et au développement de ces colonies, comme l’a montré un récent rapport de 22 ONG, en complète contradiction avec toutes les déclarations officielles de l’Europe.
“La Paix au rabais”
Dans un rapport publié en novembre 2012, 22 ONG internationales, humanitaires, religieuses, de développement ou de défense des droits de l’Homme, dénoncent la politique européenne qui, dans la pratique, contribue à soutenir les colonies. Elles proposent notamment l’étiquetage des produits des colonies et à terme une interdiction des importations des produits des colonies.
“Alors que la construction des colonies se poursuit et s’accélère, nous, Européens, nous gardons de passer des paroles aux actes. A ce jour, nous nous sommes abstenus d’exploiter notre important effet de levier politique et économique vis-à-vis d’Israël”
, c’est en ces termes que Hans van den Broek, ancien commissaire européen aux relations extérieures, introduit le rapport “La Paix au rabais”.L’UE importe “au moins 100 fois plus par colon que par Palestinien”
Révélation importante du rapport, les exportations des colonies vers l’UE sont équivalentes à 230 millions d’euros par an, soit 2% de la totalité des exportations israéliennes. A titre de comparaison, les exportations palestiniennes ont représenté 15 millions d’euros par an sur les cinq dernières années. 66% des fruits et légumes exportés par Israël (dattes, raisin, poivrons, fleurs, avocats, tomates) le sont vers l’Europe. Mehadrin et Arava Export Growers, les deux plus importantes entreprises israéliennes d’exportation de fruits et légumes, sont connues
“pour être actives dans les colonies de la vallée du Jourdain” où “plus de 80% des dattes récoltées dans les colonies et 70% du raisin” sont destinés à l’exportation. Outre les fruits et les légumes, des produits manufacturés sont fabriqués dans les colonies et exportés en Europe. Parmi ceux ci les cosmétiques de la compagnie Ahava, qui fabrique tous ses produits à Mitzpe Shalem, dans la vallée du Jourdain et les étiquette comme “Made in Israël”. En 2008, Ahava a dégagé 17 millions de dollars de bénéfice. .Incertitudes sur la provenance des produits
L’Accord d’association entre l’UE et Israël autorise les produits israéliens à entrer sur le marché européen sur la base de taxes d’importations réduites. Cet accord ne concerne pas les produits des colonies qui sont taxés au taux normal. Selon un
“arrangement technique” datant de 2005, les douaniers européens ont la charge de vérifier la provenance exacte des produits venant d’Israël, sur la base d’une liste de codes postaux. Chaque article doit être vérifié manuellement. Etant donné le fort volume de produits venant d’Israël, il est impossible en termes de priorité et de ressources humaines de vérifier la provenance de chaque produit. La charge de la preuve, disent les 22 ONG, doit être inversée. Les exportateurs israéliens doivent “respecter les réglementations communautaires en désignant correctement l’origine des produits issus des colonies et en cessant d’indiquer qu’ils proviennent d’Israël”. Un second problème se situe au niveau des consommateurs. Ceux-ci ne peuvent pas savoir si un produit provient ou non des colonies. Souvent les produits des colonies sont étiquetés “Fabriqués en Israël”. En 2009, à l’issue d’une campagne de la société civile britannique, le gouvernement a publié un code de conduite (non obligatoire) à l’attention des grands distributeurs du pays leur demandant de faire la distinction entre “produit des colonies israéliennes” et “produit palestinien”. L’application de ce code de conduite et la pression des consommateurs ont fait qu’il est maintenant très difficile de trouver les produits des colonies dans les rayons.Que faire ? Étiqueter et interdire les produits des colonies
Les gouvernements européens ont, selon le droit international, le devoir
“de ne pas reconnaitre licite une situation créée par une violation du droit international” et de “ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation illicite”. Cela est d’autant plus vrai pour l’UE que celle-ci a affirmé de nombreuses fois que les “colonies sont illégales et constituent un obstacle à la paix”. Les organisations à l’initiative du rapport appellent les gouvernements européens et l’UE à “s’assurer que leurs politiques ne soutiennent pas directement une pérennisation et une expansion des colonies”. Elles proposent ainsi de “veiller à l’étiquetage de tous les produits issus des colonies à l’attention des consommateurs”, une mesure “minimale” car le rapport préconise d’“interdire les importations issues des colonies”, de “plus grande portée” qui respecterait l’obligation faite aux Etats de ne pas participer au maintien d’une situation illégale. Cette mesure vient en écho à la déclaration d’anciens dirigeants européens en décembre 2010 : “nous estimons nécessaire que l’UE mette fin à l’importation de produits issus des colonies”.
Source: AFPS