Quand Nathan Loris a entendu parler du mouvement Occupons Wall Street et de ses slogans antiguerre et anticapitalisme, il n’a pas hésité une seconde. C’est dans la rue, aux côtés de centaines de contestataires, que cet ancien soldat de 32 ans mène depuis dix jours son combat contre les "aberrations de la société américaine". Envoyé en Irak il y a huit ans, il en est revenu six mois plus tard "choqué et honteux". "J’ai honte de ce que mon pays fait en matière de politique étrangère", raconte le jeune New-Yorkais, qui a demandé à être démobilisé et traîne depuis son malaise de petit boulot en petit boulot. "J’espère que nous arriverons aux mêmes résultats que les manifestants de la place Tahrir, en Égypte", déclare Nathan, avant d’ajouter sans rire : "Le gouvernement américain a besoin d’être recyclé, il doit tomber".
Après le printemps arabe, l’automne américain? Cette mobilisation spontanée et pacifique, entamée il y a trois semaines par un sit-in d’une poignée d'"anars" en plein cœur du temple de la finance à New York, à l’appel du collectif anticonsumériste canadien Adbusters (Casseurs de pub), a pris une ampleur nationale. Pas moins de 150 villes américaines ont aujourd’hui leurs "indignés", à l’instar de l’Europe.
Contre les inégalités et le changement climatique
Le noyau dur du mouvement, quelques dizaines d’irréductibles mobilisés contre le "pillage" opéré par les spéculateurs de Wall Street sur le dos des contribuables, continuent d’occuper jour et nuit – au grand dam du voisinage – la place Zuccotti, qu’ils ont rebaptisée de son ancien nom Liberty Square. La société immobilière propriétaire du lieu, envahi de tentes et de sacs de couchage, se plaint de la détérioration des conditions sanitaires, expliquant qu’elle n’a pu nettoyer la place depuis le 17 septembre. La police new-yorkaise (NYPD), qui a dépensé 2 millions de dollars rien qu’en patrouilles supplémentaires, aimerait en voir le bout.
Les experts sont unanimes : il faut remonter aux années 1960, à la guerre du Vietnam et à la lutte contre la ségrégation raciale, pour retrouver un tel mouvement de contestation spontanée. Les manifestations de Seattle en 1999 rassemblaient autour d’un seul mot d’ordre : lutter contre la mondialisation. À Wall Street, les revendications sont multiples. Contre les inégalités, le fardeau fiscal, la guerre, le changement climatique…
"Nous sommes les 99%"
"Les gens ont faim de justice sociale", explique Ann Lewis, une avocate descendue dans la rue mercredi, comme 5.000 à 12.000 autres personnes, selon les sources, à l’appel d’une trentaine d’organisations syndicales. "Comment peut-on vivre dans un pays où les gens meurent, faute de pouvoir payer une assurance santé?", s’insurge la juriste d’affaires. Un groupe de médecins s’en prend, lui, aux concessions faites par Barack Obama aux républicains sur la réforme de l’assurance-maladie : "Nous sommes le pays le plus riche, nous avons les meilleurs spécialistes et nous sommes incapables d’offrir une couverture santé à des millions de gens! Cuba fait mieux que nous, c’est plus qu’embarrassant", s’exclame le docteur Sapphire Mann Ahmed.
La presse américaine s’interroge sur l’avenir du mouvement : à un an de la présidentielle, pourrait-il faire contrepoids au populiste Tea Party, qui a décroché 60 sièges au Congrès lors des législatives? Encore faudrait-il qu’il s’organise, se centralise et se trouve un leader. Dans un pays qui compte 15 millions de chômeurs, dont 80% ont entre 18 et 21 ans, et 46,2 millions de pauvres, il ne fait pas bon constater que 1% de la population détient 40% des richesses. "Nous sommes les 99%", entonnent à l’unisson les contestataires qui appellent à l’instauration d’une taxe pour les gros salaires. "Ce que veulent les manifestants est clair, et c’est aux intellectuels et aux hommes politiques de s’occuper des détails", estime dans le New York Times le Nobel d’économie Paul Krugman, qui voit dans l’émergence de cette contestation populaire une "seconde chance" pour le parti d’Obama et "l’opportunité de tout recommencer".
Source: Le JDD.
Ces "indignés" venus de plusieurs pays d'Europe entendent rester une semaine dans la capitale belge et être rejoints dans les jours qui viennent par de nouveaux marcheurs.AFP/NICOLAS MAETERLINCK
Près de 400 "indignés" partis d'Espagne, de France et des Pays-Bas se sont installés samedi 8 octobre dans un parc à Bruxelles, où ils ont commencé à planter leurs tentes malgré le refus des autorités locales. "Un fort dispositif de police a été vu depuis ce matin dans la zone de la basilique, composé de maîtres chiens, police montée, autobus pour détentions massives", faisaient savoir les "indignés" à la mi-journée.
Les marcheurs rejoints par des jeunes Belges issus du mouvement des "indignés" sont arrivés sous la pluie, en fin d'après-midi au parc Elisabeth, au pied de la basilique nationale. Mais le parc étant un site classé dans lequel ne se trouve aucun point d'eau, un arrêté communal interdit tout campement sur place. Les manifestants ont dond du accepter la proposition du bourgmestre (maire) de Koekelberg, une commune de l'agglomération bruxelloise, qui leur a proposé de s'installer dans un bâtiment inoccupé de l'université de Flandre. "Je cherche à ce que le bon sens l'emporte dans des conditions sanitaires optimales d'accueil", a fait valoir l'édile, Philippe Pivin.
UNE VINGTAINE D'ARRESTATIONS
Selon le quotidien belge Le soir, une vingtaine de personnes ont été arrêtées administrativement. Il y a également eu des échanges de coups entre les policiers et certains manifestants.
Ces "indignés" venus de plusieurs pays d'Europe entendent rester une semaine dans la capitale belge et être rejoints dans les jours qui viennent par de nouveaux marcheurs. Plusieurs centaines voire milliers de personnes sont attendues à Bruxelles le 15 octobre, jour où sont prévus des rassemblements dans plus de 400 villes dans au moins 45 pays, selon les "indignés" espagnols.
Source: Le Monde.fr avec AFP.