« Il n’est pas vain d’être marxiste », assure Alix Gavrois, 22 ans et membre du Parti communiste français. Mais en 2013, est-ce encore possible de se revendiquer marxiste ? À l’occasion de la semaine de la pensée marxiste à Toulouse, Carré d’info est allé à la rencontre de personnes influencées de (très) près ou de loin par les analyses économiques et/ou politiques de Karl Marx.
Etre marxiste a-t-il encore un sens en 2013 ? Les analyses et les solutions politiques proposées par Marx il y a plus d’un siècle sont-elles dépassées ou restent-elles d’actualité dans une société globalisée et tertiarisée ?
Gabriel Colletis est professeur d’économie à l’université Toulouse 1. Il l’affirme, il n’est pas marxiste, loin de là. Mais, cela ne l’empêche pas de reconnaître l’intérêt des raisonnements de la pensée de Marx : « Pour moi, les principales leçons du marxisme sont, d’une part, la combinaison de toutes les sciences sociales, et, d’autre part, la profondeur historique de l’analyse ».
« Dépasser les contradictions du capitalisme »
C’est là sûrement la grande différence qui sépare les marxiens des marxistes. Les premiers utilisent la démarche intellectuelle de Marx. Les deuxièmes vont plus loin en voulant appliquer les solutions proposées par Marx à son époque.
« Il y a une dimension politique dans le marxisme », explique Constantin Lopez, étudiant à l’IEP de Toulouse et membre de l’Union des étudiants communistes. « Il s’agit de dépasser les contradictions du capitalisme et d’instaurer un contrôle collectif des travailleurs sur les moyens de production ». Comprenez : la mise en place de coopérative ou des nationalisations.
Constantin Lopez – 21 ans- étudiant à l’IEP de Toulouse, en développement économique et coopération internationale – membre de l’Union des étudiants communistes – « Ce n’est pas aux étudiants de parler à la place des travailleurs. Ensemble, nous devons créer les conditions d’une organisation collective des travailleurs, en vue de peser politiquement » – Photo Carré d’Info, Kevin Figuier
« Etre marxiste aujourd’hui, c’est accepter l’existence de classes aux intérêts antagoniques, d’une lutte des classes entre les salariés et les grands groupes financiers », renchérit Alix, membre du PCF et autoentrepreneur.
« Etre marxiste en 2013, c’est remettre la société à l’endroit, faire en sorte que le travail redevienne un élément fondateur et fondamental de la société, via des investissements dans l’emploi, la santé, l’école, la recherche. »
Pour sa part, Bernard Marquié, adjoint au maire de Toulouse en charge de la circulation et membre du PCF, ajoute, plus nuancé : « être marxiste, c’est remettre la société à l’endroit, faire en sorte que le travail redevienne un élément fondateur et fondamental de la société, via des investissements dans l’emploi, la santé, l’école, la recherche. »
« Je ne suis pas un intégriste de Marx »
Mais attention, il ne s’agit pas de prendre au pied de la lettre les idées de Marx, objecte Constantin Lopez. « Je ne suis pas un intégriste de Marx. Il faut prendre acte des évolutions de la société, mais ne pas non plus abandonner l’axe d’analyse marxiste parce que soi-disant, ce n’est plus à la mode. C’est une démarche intellectuelle. On cesse d’être marxiste quand on devient dogmatique ».
Un regain du marxisme ?
Aujourd’hui, est-ce si évident de se revendiquer marxiste ? « Les gens assimilent le marxisme à ce qui s’est passé dans les pays socialistes (pays d’Europe de l’Est NDLR). Dans les années 50-60, on s’est identifié à ça. C’était une erreur. Car dans ces pays, le marxisme n’a jamais été mis en œuvre », affirme Bernard Marquié.
Mais les marxistes toulousains rencontrés par Carré d’info sont déterminés et ont espoir en « l’avènement d’une société meilleure », selon les termes d’Alix Gavrois. « Je ne me sens pas isolé. Il y a un vrai regain du communisme et du marxisme. A Toulouse, en 2008, nous étions 20 jeunes. Aujourd’hui, nous sommes plus de 200. Si tu perds espoir, pourquoi lutter ? ».
Alix Gavrois – 22 ans – militant communiste à Toulouse – autoentrepreneur dans les parfums et les cosmétiques bio – « Je voudrais arriver à faire en sorte que le commun soit privilégié plutôt que l’intérêt personnel » – Photo Carré d’Info, Kevin Figuier
Bernard Marquié, lui, tempère: « Parfois, on se dit qu’on ne va pas y arriver, surtout quand on a 65 ans, comme moi. Mais c’est ce qui fait la force du mouvement. Aujourd’hui, c’est l’enfer. Il y a une véritable récession sociale. La question est : est-ce qu’on la supporte, est-ce qu’on la combat ? »
Source: Carré d'Info