En 2010, un rapport passé quasi-inaperçu programmait qu'à l'horizon 2014, avec la criminalisation des lois (surtout depuis 2002 avec les lois Perben, plus les "x" lois sur la sécurité) on pouvait envisager qu'il y aurait environ 80 000 personnes incarcérées. Pour info, aujourd'hui c'est environ 64 000 détenus pour 53 000 places de prisons. Or, l'annonce de Sarkozy de construire 30 000 places supplémentaires d'ici 2017 est irrationnel de par le chantier énorme et le coût, de même que stupide de par le sens tout répressif et improductif que cela signifie.
En faite, Sarkozy joue sur l'ambivalence entre la notion de places de prisons et la notion de personnes incarcérées. Et lorsqu'il parle de 30 000 places cela indique trompeusement dans son langage et dans les faits que c'est de 30 000 personnes incarcérées dont il parle réellement. Aussi, on peut parier qu'en 2017, certes des places auront été construites, car il faut bien nourrir l'entreprise de son ami Bouygues ou Eiffage, mais tout au plus son nombre sera aux alentours de 60 000 puisqu'en moyenne, en tournant déjà à plein rendement (c'est le cas de le dire) on ouvre 2 à 3 prisons par an soit 1500 places d'où sur 6 ans , 9000 places, et ceci sans compter la soustraction des fermetures de prisons trop vétustes ou pas "rentables" car de régie publique.
Par conséquent, ce projet de loi est idiot car c'est un non sens sur la manière de voir l'emprisonnement, il est irréaliste budgétairement ( et là c'est tant mieux !!) et il est fourbe car il ne fait qu'implicitement indiquer une conception sécuritaire à la sauce Front Nationale ( en même temps Ciotti/le Pen, c'est bonnet/blanc et blanc/bonnet).
En conclusion, ceci n'est qu'un effet d'annonce à la course présidentielle mais cela démontre aussi que Sarkozy ne nous promet pas de beaux lendemains.
NB: Pour info, un loyer mensuel versé par l'Etat à Bouygues qui lui loue les nouvelles prisons oscille autour de 500 000 euros voir plus (ex: Prison de Lyon Corbas, 700 000 euros mensuel !). Soit pour les contribuables à l'année un coût qui a doublé en un an passant de 31 millions d'euros en 2009 à presque 60 millions en 2010 !! Le privé et les grands patrons se goinfrent alors que le quidam crève dehors ou en prison.
Ci-dessous la déclaration de l'Observatoire International des Prisons.
Pour l'UPAC, Kyosen.
Par l'OIP, "Sarkozy et le mirage carcéral"
Annonçant un objectif de 80 000 places de prison à l'horizon 2017, le président de la République entraîne le pays dans une politique pénale coûteuse et contreproductive en matière de prévention de la récidive. Invoquant le nombre de peines « inexécutées », il estime que la France a besoin de 30 000 places d'emprisonnement supplémentaires pour mettre en œuvre les décisions des magistrats. Or, la plupart de ces peines sont en réalité en attente d'exécution pour être aménagées en surveillance électronique, placement extérieur ou semi-liberté, des mesures moins coûteuses et plus favorables à prévenir la récidive. Ce sont bien le manque de moyens des services de l'application des peines et des services pénitentiaires d'insertion et de probation qui empêchent l'aménagement rapide de ces courtes peines de prison.
Nicolas Sarkozy souhaite revenir sur cette politique d'aménagement de peine, renforcée par sa propre majorité parlementaire lors de l'adoption de la loi pénitentiaire en novembre 2009. Il préfère aujourd'hui « ouvrir rapidement des prisons dédiées aux condamnés pour courtes peines ne présentant pas de dangerosité particulière », dont il reconnaît lui-même qu'ils représentent « la majorité des personnes incarcérées » et que « la plupart des peines en attente d'exécution sont précisément de courtes peines ». Si ces détenus ne présentent pas de « dangerosité particulière », il est permis de se demander pour quelles raisons ils doivent nécessairement purger leur peine en prison. Afin de mieux prévenir la récidive, toutes les études montrent qu'il est préférable d'exécuter ces peines en milieu ouvert qu'en milieu fermé. Les taux de récidive les plus élevés concernent les détenus qui ont purgé la totalité de leur peine en prison : 63% de récidive dans les cinq ans pour les libérés en fin de peine sans aménagement ; parallèlement, les condamnés à des peines alternatives récidivent moins (45%). Dès lors, une première étape pour limiter la récidive réside bien dans le fait d'éviter le plus possible l'emprisonnement, dans la mesure où il aggrave la situation sociale, psychique, familiale des personnes, a tendance à perpétuer les phénomènes de violence et à accroître les risques de passage à l'acte délinquant. Le Conseil de l'Europe a ainsi rappelé à plusieurs reprises que « dans la plupart des cas, la privation de liberté est loin d'être le meilleur recours pour aider l'auteur d'une infraction à devenir un membre de la société respectueux de la loi ».
Le président de la République se réfère également à une prison qui n'existe pas : il évoque une prison où l'encellulement individuel serait respecté, en prétendant que sa majorité « a renforcé le respect de la dignité des détenus en inscrivant dans la loi le principe de l'encellulement individuel ». En réalité, la loi pénitentiaire s'est contentée d'en reporter une fois encore l'application à une échéance de cinq ans, soit novembre 2014. En pratique, ce sont aujourd'hui 60% des détenus qui ne disposent pas d'une cellule individuelle. Avec le développement des centres nationaux d'évaluation, Nicolas Sarkozy fait également croire que les professionnels sont en mesure d'effectuer des évaluations de la « dangerosité », ce qui n'est pas le cas en France. La Haute Autorité de Santé l'a rappelé en mai 2007, indiquant que « tout le monde s'accorde pour relever la forte subjectivité et le flou des contours » de la notion de dangerosité, « souvent ponctuelle » et qui « doit être redéfinie selon la fluctuation de l'état mental, des facteurs environnementaux, des stresseurs, des traitements utilisés »... Non seulement ce n'est pas la dangerosité qui est évaluable mais certains facteurs de risque de récidive. Et de plus, les professionnels français ne sont pas dotés d'outils d'évaluation permettant de repérer ces facteurs sur lesquels cibler l'accompagnement.
Nicolas Sarkozy se garde enfin de préciser que la construction de 30 000 places de prison représente un coût de plus 3 milliards d'euros pour le contribuable. Outre la construction, le coût d'une journée de détention est évalué en moyenne à 82 euros, ce qui reviendrait avec l'incarcération visée de 80 000 personnes, à un budget de 6,5 millions d'euros par jour. A titre de comparaison, une mesure de placement extérieur représente un coût moyen de 15 euros par jour, tandis que l'exécution d'un travail d'intérêt général pendant 18 mois coûte au total 550 euros par condamné.
Pour l'Observatoire international des prisons, la France n'a aucunement besoin d'accroître le parc carcéral pour mieux exécuter les peines et prévenir la récidive. Le Code pénal pose pour principe qu'« une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate » (article 132-24). En ce sens, l'urgence est au développement des moyens pour l'exécution des courtes peines en milieu ouvert et à l'amélioration de la qualité du suivi en vue d'une meilleure insertion et d'une réelle prévention de la récidive.
Paris, 13 septembre
2011