Dans les cendres encore fumantes des mods apparait un nouveau mouvement : crâne rasé, musique, fierté,
violences et tatouages, seront l'apanage de cette nouvelle jeunesse. Les skinheads traditionalistes débarquent.
En Angleterre dans les années 1966-1967 le mouvement mods est en déclin, il ne reste qu'une poignée de jeune
scootéristes aux cheveux rasés. Le style classieux des débuts est remplacé par des polos Fred Perry et des Doc Martens. Musicalement ils prennent le contre pied de la mode psychédélique qui commence à faire fureur parmi la jeunesse anglaise.
Attachés à leurs racines ouvrières et à l'hooliganisme, ces hards-mods continuent à porter une adoration à la
musique noire. De ce fait, ils fréquentent volontiers les rudes boys : de jeunes immigrés noirs d'origine jamaïcaine ou antillaise, pour partager leur goût de la musique soul et ska. En 1968 les
hard-mods et les rude boys se regroupent. Les journaux les baptisent alors "skinhead" en référence à leur crâne
rasé; le mouvement était né.
la première vient du fait qu'ils ont tout simplement reproduit les coupes de leurs chanteurs favoris (Desmond Dekker en particulier).
Le fait qu'ils proviennent de la classe ouvrière est la deuxième raison de leur coiffure, ils respectent les normes de sécurité en vigueur dans les usines.
Pour finir, venant d'un milieu populaire, ces jeunes montrent leur fierté d'appartenir à la classe sérieuse et travailleuse.
Par rapport aux mods qui faisaient évoluer sans cesse leurs styles vestimentaires, les skinheads, eux, adoptent un style plus standardisé.
Pour les hommes :
- Polo Fred Perry ou Lonsdale.
- Les pantalons sont des Levis 501, Sta Press ou Wrangler.
- Les chaussures Doc Martens seront les plus utilisées, mais contrairement à la croyance populaire les skins originaux les choisissaient sans coque car une Doc Martens coquée était à cette époque considérée comme une arme et très peu couraient le risque de se faire arrêter par la police.
- Les blousons sont des Harrington, des Monkey Jacket, Crombie ou bien encore le fameux Bombers.
Les femmes, elles, portent des pulls mohair, mini jupe, ou des costumes à quatre ou cinq boutons. Leurs coupes de cheveux sont appelées "Chelsea" : cheveux coupés courts sur le crâne avec une frange longue sur le devant et de longues mèches dans le cou et sur le coté (la coupe raccourcira au fil des années). Doc Martens ne proposant pas durant cette période de chaussures pour femmes, elles se rabattent sur des Loafers ou bien encore des Clarkes.
Les tatouages seront la touche finale du look skinhead, ils les affectionnent et en font une institution.
Le look skinhead est donc principalement un mélange de style mods et jamaïcain auxquels seront progressivement ajouté des vêtements de travail puis sportswear (comme Adidas) et enfin militaires.
Mais durant l'été 69 une déferlante reggaes'abat sur l’Angleterre. Le mouvement s'en empare aussitôt, des artistes venus des Caraïbes tels que Symarip, Laurel Aitken, Desmond Dekker ou les Upsetters seront largement adoptés par les skinheads. Le rocksteady mais surtout le reggae apparaissent comme le son par excellence de ces jeunes tondus.
On parle alors de Boss Sound (en référence à un titre du groupe de Symarip). Un terme spécifique sera employé : celui de Skinhead Reggae. Les personnes étrangères au mouvement,elles, emploieront le terme Early Reggae.
Tout comme leurs ainés mods, les skinheads aiment danser, rivalisant des pas de danse de plus en plus compliqués pour frimer.
Les thèmes des chansons traitent de la vie quotidienne : romance, sexe, danse, émeutes, rivalité, mais souvent les paroles seront bien moins terre à terre et concerneront les conquêtes spatiales ou encore le kung-fu...
Les principales maisons de disques éditrices de ska et de reggae au Royaume-Uni se nomment Trojan Records(dont l’emblème sera utilisé plus tard pour désigner des skinhead ayant l'état d'esprit de cette année 69), Torpelo Records et Pama Records.
En 1970, la mode est devenue telle que certains groupes rock n'hésitent pas à l'adopter pour gonfler leur audience, ça sera le cas du (mauvais) groupe Slade, pionnier du glam-rock influencé par son manager, qui adoptera peu à peu le look skins.
A la fin des années 70, avec l'apparition du punk, la musique skinhead deviendra énergique et sera nommée la Oi!
Les altercations peuvent avoir de nombreuses causes, mais l'alcool et la drogue est monnaie courante chez ces jeunes, surtout l'amphétamine permettant de danser jusqu'au petit matin. Les journaux commencent alors, comme ils l'avaient déjà fait pour les mods,à stigmatiser le mouvement, en relatant de plus en plus d’altercations concernant les jeunes issus de ce milieu.
La mouvance skinhead n'est pour l'heure aucunement politisée, principalement car les membres sont pour la plupart âgé d'une quinzaine d'années et n'ont donc pas le droit de vote.
La fierté d’être anglais est extrêmement importante chez les skins. Ils feront un usage fréquent des couleurs nationales, ce qui déjà en conduira certains à se poser la question sur le mouvement et le racisme. Il est vrai que lors de cette période, de nombreux skins (noirs ou blancs) s'en prenaient à des pakistanais; ces ratonnades avaient pour principale source leur aversion quant au look vestimentaire et aux goûts musicaux de ces derniers.
Lassés de se voir interdits de stade et des clubs de danse, les skinheads adoptent un style plus classique et élégant, les cheveux repoussent, on parle maintenant de suedehead (crâne de velours).
Dix ans plus tard avec l'explosion punk en Angleterre en 1977, les skins reviendront sur le devant de la scène. Puis, la musique punk devenant à peine deux ans plus tard mainstream, de nombreux punks venant de la première vague se tournent de nouveau vers le mouvement skinhead ce qui donnera par la suite la musique Oi! (en argot Oi est la contraction de Hey You !) lui redonnant une seconde jeunesse - les mods en profiteront aussi.
Durant la même période, un revival rocksteady et skinhead reggae avec des groupes comme Madness, The Specialsfont leur apparition et popularisent de nouveau le mouvement. Cette version du ska et du reggae énergisée par le punk constitue avec le phénomène Oi! le fond sonore de cette deuxième vague skinhead.
Contrairement au skins de l'année 1969 , les skins de l'année 79, eux, sont tous - ou du moins pour le plupart - blancs.
Le début des années 80 sera marqué par la politisation du mouvement de certains skins et les premières polémiques racistes éclateront.
Alors que le mouvement d'origine dans les années 60 était basé uniquement en Angleterre (en dehors du Canada et de l'Australie où les skinheads se sont légèrement implantés) celui-ci s'étendra sur toute l’Europe et en Amérique.
Toujours dans les années 80, certains skins choisiront de garder le "spirit 69" en se réunissant dans des clans comme les Sharp (skinhead against racial prejudice), d'autres seront tout simplement apolitiques.
Quant à ceux qui restent, ils seront embrigadés dans des partis nationalistes (National Front, British Mouvement en Angleterre, Front National en France...) et deviendront ouvertement racistes. Ils prendront en otage au travers des médias tout un mouvement qui n'avait pourtant pas, à son origine, ces valeurs là. Mais tout ça, c'est une autre histoire.
Si cela vous intéresse, je vous conseille fortement de poursuivre sur le sujet avec le film " This Is England " de Shane Meadows qui montre le division du mouvement, ainsi que, le documentaire disponible gratuitement sur Youtube " Skinhead Attitude ".
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Skins dans un club. |
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Les premiers Skins |
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The Specials : groupe combinant comme à l'origine des Rude Boys et des Skins. |