Vous remarquerez l'actualité criante de ce communiqué qui date de 1998.
"Je ne cherche pas à changer les règles du jeu, mais le jeu lui même" André BRETON
Il y a deux ans, après une série d’actions, nous avions jugé nécessaire d’expliciter notre démarche et nos motivations (voir texte du 02/96). Depuis l’analyse de la situation que nous faisions a été malheureusement confortée par toute une série d’evénements tels que la prise de la mairie de Vitrolles par Mégret. Ces dernières années ont vu plusieurs verrous sauter de par la banalisation du discours du Front National, et par sa présence dans la rue et dans le champ médiatique. Les craintes redoutées il y a dix ans se réalisent, et chaque jour se met en place la stratégie frontiste. Beaucoup ne veulent pas la voir et découvrent chaque avancée fasciste comme une abomination sortie de nulle part. Pourtant la toile d’araignée est tissée, les acteurs sont peu à peu en place pour nous jouer une dramatique connue. Les conditions pour que tout bascule sont là, présentes :
L’Europe, élaborée sans les citoyens, suscite le rejet, le modèle proposé est ultra libéral, anti-démocratique, avec une banque centrale toute puissante, hors du contrôle des populations. C’est le retour vers une idéologie fondée au dix septième siècle, et appliquée au dix neuvième. C’est pain béni pour les nationalistes.
L’avenir est perçu incertain, le repli sur soi encouragé par la société de consommation. Il n’y a plus de projet collectif, mot que le capitalisme a transformé péjorativement, en synonyme de société totalitaire.
La classe politique baigne dans le carriérisme, pour certains dans l’affairisme. Etre aux affaires, c’est faire des affaires !
L’abstention aux élections reflète ce rejet et les bras du FN s’ouvrent à une partie grandissante de l’électorat. Il n’y a pas de raisons objectives pour que cela cesse. Les dernières élections régionales l’ont montré : la droite classique a explosé. C’est un événement capital pour les stratèges du FN. Ce n’est que le début d’un processus de recomposition autour d’un parti d’extrême droite présentable. L’exploitation du vote fasciste par les socialistes, mise en place dès 1983, est toujours d’actualité. Les velléités de changer le mode de scrutin ne régleront pas le problème. Pourtant, dans les calculs politiciens, peu s’émeuvent de toute l’eau apportée au moulin du Front National. Un exemple flagrant fut l’élection au poste de président du Conseil Général des Bouches du Rhône, d’un personnage traînant tant de casseroles, qu’il dût demissionner quatre mois plus tard. Tête haute et main propres ont de beaux jours devant eux.
Pour les fascistes français, il faut un bouc émissaire étranger désigné comme tel. Ce fut les Juifs, c’est aujourd’hui les Arabes. Le racisme au quotidien, chacun le connaît, autour de soi, dans son quartier, son travail, sa famille. S’il ne s’exprime pas avec les mêmes termes d’avant guerre, il n’en est pas moins bien présent et ancré dans les mentalités. Tout est donc en place : une société dont le lien social se disloque sous les coups de boutoir du libéralisme ; la corruption des " élites " politiques ; une droite "républicaine" qui a perdu ses repères et son électorat ; le jeu politicien des différents pouvoirs en place depuis quinze ans, et enfin un racisme latent qui n’attend qu’une occasion pour s’exprimer pleinement. Le danger fasciste n’est donc pas stationnaire, il est grandissant. Les camps sont pratiquement constitués. Personne ne peut plus dire "je ne savais pas ". Ceux qui adhèrent et votent Front National, le font en connaissance de cause. Même si on peut trouver toutes les explications qui les ont poussé dans cette voie. C’est un fait réel, maintenant bien établi.
Ce n’est plus le moment de faire de la propagande pour montrer combien les fascistes sont bien fascistes. Ils sont aujourd’hui dans une dynamique de prise du pouvoir à l’échelon national après une phase locale.
Si les élections peuvent parfois empêcher l’accès, conjoncturel, d’un fasciste à un poste d’élu, elles ne peuvent en aucun cas altérer les causes du vote FN. Aucun candidat n’a su, ou n’a voulu appliquer son programme une fois élu. Seul le Front National tente de le faire localement dans ses mairies et dans les instances où il pèse. Le parti fasciste français entretient une milice et des adhérents armés qui n’hésitent pas à tirer et à tuer. Ce ne sont pas des lois qui feront disparaître le FN, il doit être interdit " de fait " par les citoyens. De même la justice répond au cas par cas aux effets, mais jamais sur les causes. Historiquement le fascisme ne s’est jamais combattu dans les urnes. Par contre, les fascistes sont souvent arrivés au pouvoir par les urnes. Nous n’avons d’autre choix que la résistance active : Nous gardons dans notre c¦ur la mémoire de ceux qui se sont battus, qui sont morts, il y a plus de 50 ans, pour libérer ce pays de l’abomination fasciste. Comme eux, nous nous revendiquons, du fait de nos racines, d’une certaine conception de l’homme, où la loi de la jungle ne doit pas être un modèle. La Résistance au fascisme des Francs Tireurs et Partisans est une référence historique, et pour nous un modèle de dignité humaine.
Aujourd’hui, notre objectif prioritaire : arrêter par tous les moyens l’avancée du Front National. Les fascistes ne doivent pas marcher en terrain conquis. Au delà du travail légitime de tous les démocrates, les associations, les individus qui luttent contre l’extrême droite, nous affirmons clairement que nous ne nous laisserons pas faire. Ils ne reviendront pas plastronner cyniquement sur le perron des institutions républicaines qu’ils haïssent. Seul un mouvement social avec des objectifs politiques clairs, pourra enrayer les causes de la dérive fasciste.
Ces objectifs devront être la solidarité, le partage des richesses, un développement soutenable pour l’ensemble de la planète, en rupture avec l’économie du tout marché. L’abandon définitif du libéralisme, qui met l’homme en position d’esclave face à l’économie, qui doit rester un outil sans plus.
L’histoire de l’humanité n’a jamais été réglée par le marché, et celui-ci n’assurera pas son avenir. Le Marché, pris en main et piloté par les grandes multinationale formant des oligopoles, n’assure pas la démocratie. Il casse sans cesse les solidarités entre les gens que sont la Sécurité Sociale, les Services Publics, ou l’Education Nationale par laquelle passe l’émancipation de tous.
L’éducation et non pas le dressage fasciste ou la "formation" pour les capitalistes. Etre instruit, cultivé, c’est pouvoir exercer pleinement sa citoyenneté. Le Marché n’aime pas l’éducation nationale qui n’est pas "rentable".
L’extrême droite déteste l’éducation populaire. Une population instruite, ouverte, ayant le sens critique, est difficile à asservir et à manipuler. De même la culture a été phagocytée par les marchands, elle est revue et corrigée par les fascistes qui voient en elle une subversion à l’ordre qu’ils veulent imposer.
Pendant que certains font du profit et s’occupent du Marché, d’autres bâtissent et élaborent l’ordre nouveau, au travers du racisme, de la préférence nationale ou de l’épuration ethnique.
Face à l’extrême droite, la bataille des idées est provisoirement en retrait, par défaut. C’est bien les fascistes qui occupent maintenant le terrain. Nous ne pouvons nous attaquer de front au capitalisme en fonction de nos moyens actuels. Seule une dynamique sociale progressiste nous sortira d’un isolement entretenu par le consensus libéral. Nous nous inscrivons dans une démarche citoyenne qui doit reconstruire les bases idéologiques et philosophiques nécessaires à l’émancipation de l’humanité à travers toutes les frontières. Ici nous combattons le fascisme afin que cette émancipation se mette en marche. La disparition du FN est liée à notre capacité à inverser la tendance du libéralisme mondial.
Pour l’Internationalisme. Contre tous les Nationalismes et tous les Intégrismes. Solidarité avec ceux qui luttent ici ou ailleurs."