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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 16:57
Qu’est-ce que la dette ?

Une approche anthropologique et historique

dimanche 2 décembre 2012, par XYZ

David Graeber, est un anthropologue états-unien. Il a participé au mouvement altermondialiste et se définit comme anarchiste. En 2011, il a publié une vaste étude sur la dette intitulée Debt : the First Five Thousand Years (‟Dette : les 5000 premières années”) dans laquelle il contredit l’un des fondements des théories économiques en soutenant, entre autres choses, la thèse selon laquelle le système du troc n’a jamais été utilisé comme moyen d’échange principal au cours de ces cinq derniers millénaires. Par contre, selon lui, le système du crédit et de la dette est très probablement antérieur à l’invention même de la monnaie et ce système suppose, fonde et instaure une relation de pouvoir, de domination, de culpabilité et d’asservissement et que c’est là qu’il faut situer son origine. Au passage, David Graeber déconstruit le discours des économistes qui, dit-il, « ignorent les relations humaines qui ne sont pas appréhendées par l’économie formelle », notamment les relations de nature politique et celles dictées par la morale.
L’interview qui suit présente les grandes lignes de son travail.

La plupart des économistes affirment que la monnaie a été inventée pour remplacer le système du troc. Mais vous avez trouvé quelque chose d’assez différent. 
Oui, il y a une histoire standard que nous apprenons tous, un « il était une fois » qui est un véritable conte de fées. Selon cette théorie, toutes les transactions étaient d’abord réalisées par le troc : « Vous savez quoi, je vais vous donner vingt poulets pour cette vache ! » Comme cela pouvait conduire à des problèmes si votre voisin n’avait pas besoin de poulets, il a fallu inventer la monnaie. Puis, après un moment, quand vous devenez capable de transactions plus sophistiquées, vous inventez le crédit. L’histoire remonte au moins à Adam Smith, et c’est à sa manière le mythe fondateur de l’approche économique.
De mon côté, je suis un anthropologue, et nous, les anthropologues, nous savons depuis longtemps que cette histoire est un mythe, tout simplement parce que s’il y avait des endroits où les transactions quotidiennes avaient pris la forme de « Je vais vous donner vingt poulets pour cette vache », nous aurions dû en trouver un ou deux. Mais ce n’est pas le cas ! Après tout, les gens ont cherché depuis 1776, date de la première publication de La Richesse des nations. Mais si vous réfléchissez à ça, ne serait-ce qu’une seconde, il n’est guère surprenant que nous n’ayons rien trouvé.
En fait, au moment où le rideau se lève sur les archives historiques de l’ancienne Mésopotamie, vers 3200 avant Jésus-Christ, il existe un système élaboré de monnaie de compte et des systèmes de crédit complexes. La monnaie comme moyen d’échange ou comme unités standardisées d’or, d’argent, de bronze ou autre ne vient que bien plus tard. Plutôt que l’histoire standard – d’abord il y a le troc, puis la monnaie, puis finalement le crédit –, cela s’est produit historiquement dans le sens inverse. Crédit et dette viennent en premier, puis la monnaie émerge des milliers d’années plus tard. Et quand vous trouvez des systèmes de troc du type « Je vais vous donner vingt poulets pour cette vache », c’est généralement qu’il y avait des échanges monétaires mais que pour certaines raisons – comme en Russie, par exemple, en 1998 – la monnaie s’est effondrée ou a disparu.

Vous dites que, dans la Mésopotamie de 3200 avant J.-C., une architecture financière complexe est déjà en place. Dans le même temps, est-ce que la société est divisée en classes de débiteurs et de créanciers ? 
Historiquement, il semble y avoir eu deux possibilités. L’une, que vous trouvez en Égypte, est un État fort et une administration centralisée qui font payer des impôts à tout le monde. Pendant presque toute leur histoire, les Égyptiens n’ont pas développé l’habitude de prêter de l’argent à intérêt. Vraisemblablement, ils n’en avaient pas besoin.
L’autre, en Mésopotamie, était différente parce que l’État y a émergé de manière inégale et incomplète. Au début, il y avait des temples bureaucratiques gigantesques et aussi des complexes palatiaux, mais ils ne jouaient pas exactement le rôle de gouvernements et ils n’ont pas prélevé d’impôts directs – qu’on ne jugeait justifiés qu’aux dépens des populations conquises. C’étaient plutôt d’énormes complexes productifs, avec leurs propres terres, leurs troupeaux et leurs fabriques. C’est là que la monnaie est apparue comme une unité de compte, afin de pouvoir allouer les ressources au sein de ces institutions.
Les emprunts portant intérêts sont probablement nés des tractations entre les administrateurs des palais et les commerçants qui prenaient par exemple les lainages produits dans les temples (dont une partie des activités consistait à l’origine en des actions de bienfaisance, servant de foyers pour les orphelins, les réfugiés ou les personnes handicapées) pour les échanger dans des contrées lointaines contre du métal, du bois ou des lapis-lazulis. Les premiers marchés se sont formés aux abords de ces palais et semblent avoir fonctionné largement sur le crédit en utilisant l’unité de compte du temple.
Les marchands, les administrateurs du temple et d’autres nantis ont ainsi pu développer les prêts à la consommation aux agriculteurs qui, en cas de mauvaises récoltes, tombaient dans le piège de la dette. Ce fut le grand mal social de l’Antiquité – les familles commençaient avec la mise en gage de leurs troupeaux, de leurs champs et, avant longtemps, leurs épouses et leurs enfants seraient enlevés pour devenir des « serfs pour dette ». Souvent, les gens abandonnaient totalement les villes pour rejoindre des bandes semi-nomades, menaçant de revenir en force et de renverser l’ordre social existant.Les gouvernants concluaient alors systématiquement que la seule façon d’éviter la rupture sociale complète était de déclarer un « lavage des tablettes », celles sur lesquelles les dettes des consommateurs étaient inscrites, annulant celles-ci pour repartir de zéro. En fait, le premier mot que nous ayons pour « liberté » dans n’importe quelle langue humaine est l’amargi sumérien, qui signifie libéré de la dette et, par extension, la liberté en général, le sens littéral étant « retour à la mère » dans la mesure où, une fois les dettes annulées, tous les esclaves de la dette pouvaient rentrer chez eux.

Vous indiquez dans votre livre que la dette fut un concept moral bien avant de devenir un concept économique. Vous remarquez également que c’est un concept moral très ambivalent dans la mesure où il peut être à la fois positif et négatif. Pouvez-vous en dire un peu plus ? Quel aspect est le plus prononcé ? 
Ils ont tendance à alterner. On pourrait raconter l’histoire comme ceci : finalement, les approches égyptienne (les taxes) et mésopotamienne (l’usure) fusionnent, les gens empruntant pour payer leurs impôts. La dette s’institutionnalise. Les impôts vont également jouer un rôle essentiel dans la création des premiers marchés qui fonctionnent avec de la monnaie, puisque celle-ci semble être inventée ou tout au moins largement popularisée par le biais de l’utilisation des impôts pour payer les soldats – à peu près simultanément en Chine, en Inde et en Méditerranée où le meilleur moyen de payer les troupes s’avère de leur donner des morceaux standardisés d’or ou d’argent, puis de demander à tout le monde dans le royaume de les accepter et de rendre ces pièces pour payer les impôts. 
Le langage de la dette et le langage de la morale commencent alors à fusionner. En sanskrit, en hébreu, en araméen, « dette », « culpabilité » et « péché » sont en réalité le même mot. Une grande partie du vocabulaire des grands mouvements religieux – jugement dernier, rédemption, comptabilité karmique et autres – est tirée de la langue de la finance ancienne. Mais cette langue, jugée insuffisante, est toujours retravaillée pour évoluer vers des sens différents. C’est comme si les grands prophètes et les enseignants religieux n’avaient pas eu d’autre choix que de commencer par ce genre de mots puisque c’était le langage qui existait à l’époque, mais ils ne l’ont adopté que pour le transformer en son contraire : pour dire que ce ne sont pas les dettes qui sont sacrées, mais que ce qui est véritablement sacré, c’est la clémence [ou pardon] en matière de dette, la capacité à effacer la dette, et la prise de conscience que les dettes n’ont pas de réalité. 
Comment cela est-il arrivé ? Comme je l’ai dit précédemment, la grande question à propos de l’origine de la monnaie est : comment se transforme le sens de l’obligation, le « Je vous dois un », en quelque chose qui peut être quantifié avec précision ? La réponse semble être : quand il y a une possibilité que la situation devienne violente. Si vous donnez à quelqu’un un cochon et qu’il vous donne en échange quelques poulets, vous pouvez peut-être penser que c’est un radin et vous moquer de lui, mais il est peu probable que vous trouviez une formule mathématique qui vous dise exactement de combien ils sont au-dessous du prix. Si quelqu’un t’arrache un œil dans un combat, ou tue ton frère, alors tu commences à dire : « La compensation traditionnelle est exactement de vingt-sept génisses de la meilleure qualité et si elle ne sont pas de la meilleure qualité, c’est la guerre. » 
La monnaie, dans le sens d’un équivalent exact, semble émerger de ce type de situation, mais aussi de la guerre et du pillage, du contrôle des butins, de l’esclavage. Dans l’Irlande médiévale, les filles esclaves étaient la devise de la plus haute qualité. Et il était possible de spécifier la valeur exacte de tout ce qu’il y avait dans une maison, même si très peu de ces articles se retrouvaient à la vente quelque part parce que ces équivalences étaient utilisées pour payer des amendes et des dédommagements si quelqu’un les brisait. 
Une fois que l’on comprend que les impôts et la monnaie ont commencé avec la guerre, il est plus facile de comprendre ce qui s’est passé. N’importe quel mafioso comprend cela : si vous voulez imposer une relation violente d’extorsion, de pur pouvoir, et la transformer en quelque chose de moral, et en plus, si vous voulez faire croire que les victimes sont les coupables, il faut la convertir en une relation de dette. « Tu me dois quelque chose, mais pour l’instant je te fais grâce. » Il est probable que tout au long de l’histoire la plupart des humains se sont entendu dire ça de leurs débiteurs. Mais le point crucial est que la seule réponse possible est celle-ci : « Dis donc ! qui doit quoi à qui ? » Et, bien sûr, cela a été dit par les victimes pendant des milliers d’années, mais dans le même temps, tu utilises le langage du pouvoir, tu admets que la dette et la morale sont une seule et même chose. 
Telle est la situation dans laquelle les penseurs religieux ont été piégés quand ils ont commencé à utiliser le langage de la dette, alors ils ont essayé de le transformer en quelque chose d’autre. 
On pourrait penser que tout cela est très nietzschéen. Dans sa Généalogie de la morale, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche a fait valoir que toute morale était fondée sur l’extorsion de la dette sous la menace de la violence. Le sens du devoir inculqué chez le débiteur était, pour Nietzsche, l’origine de la civilisation elle-même. Vous avez étudié la façon dont la moralité et la dette s’imbriquent dans les moindres détails. Comment la théorie de Nietzsche s’en sort-elle après plus de cent ans ? Et quel élément vous paraît premier : la morale ou la dette ? 
Eh bien, pour être honnête, je n’ai jamais été sûr que Nietzsche était vraiment sérieux dans ce passage ou bien si toute cette argumentation n’était qu’un moyen d’agacer son auditoire bourgeois, une manière de souligner que si vous démarrez votre raisonnement avec les hypothèses bourgeoises existantes sur la nature humaine vous aboutissez logiquement à la conclusion la plus inconfortable pour cet auditoire.
En fait, Nietzsche commence son argumentation exactement comme Adam Smith : les êtres humains sont rationnels. Mais rationnel signifie ici calcul, échanges et par conséquent, troc ; acheter et vendre serait alors la première expression de la pensée humaine, antérieure à toute forme de relation sociale. 
Mais ensuite il révèle exactement pourquoi Adam Smith a dû prétendre que les villageois néolithiques faisaient des transactions au comptant. Parce que si nous n’avons pas de relations morales antérieures les uns avec les autres, et que la morale émerge simplement de l’échange, alors la poursuite des relations sociales entre deux personnes ne peut exister que si l’échange est incomplet – si quelqu’un n’a pas payé. 
Mais dans ce cas, l’une des parties est un criminel, un mauvais payeur et le premier acte de la justice consisterait dans la vengeance punitive exercée sur ce mauvais payeur. Ainsi, dit-il tous ces codes législatifs où il est dit « vingt génisses pour un œil crevé » – en fait, à l’origine, c’était l’inverse. Si vous devez à quelqu’un vingt génisses et ne payez pas, on vous crève l’œil. La morale commence avec la livre de la chair de Shylock [1].
Inutile de dire qu’il n’y a nulle preuve de tout cela – Nietzsche l’a juste complètement inventé. La question est de savoir si même lui y croyait. Peut-être que je suis un optimiste, mais je préfère penser que non. Quoi qu’il en soit, cela n’a de sens que si vous prenez comme prémisses que toute interaction humaine est un échange, et par conséquent, que toute relation qui se poursuit est une dette. Cela va à l’encontre de tout ce que nous savons réellement ou expérimentons de la vie humaine. Mais si vous partez de l’idée que le marché est le modèle de tous les comportements humains, c’est à cela que vous aboutissez.
Si toutefois vous laissez tomber tout le mythe du troc, et posez au départ une communauté où les gens ont d’abord des relations sur le mode éthique, pour vous demander ensuite comment ces relations morales en sont venues à être conçues comme des « dettes » – c’est à dire comme quelque chose de quantifié précisément, impersonnel et, par conséquent, transférable – eh bien, c’est une toute autre question. Dans ce cas, oui, se pose d’emblée le rôle de la violence.

Intéressant. Peut-être que c’est le bon moment pour vous demander comment vous concevez votre travail sur la dette par rapport au classique essai sur le don du grand anthropologue français Marcel Mauss. 
Oui, à ma façon, je pense que je travaille tout à fait dans la tradition maussienne. Mauss a été l’un des premiers anthropologues à poser la question : bien, parfait, et si ce n’est pas le troc, alors quoi ? Que font réellement les gens qui n’utilisent pas de l’argent quand les choses changent de mains ? Les anthropologues ont attesté l’existence d’une variété infinie de ces systèmes économiques, mais ils n’en n’ont pas vraiment déduit de principes communs. Ce que Mauss a remarqué, c’est que, dans presque tous les cas, les gens faisaient comme s’ils se donnaient des cadeaux les uns aux autres en niant attendre quoi que ce soit en retour. Mais, en réalité, tout le monde comprenait qu’il y avait des règles implicites et que les bénéficiaires se sentaient obligés de rendre la pareille d’une façon ou d’une autre. 
Ce qui fascinait Mauss, c’est que cela semblait être universellement vrai, même aujourd’hui. Si j’invite un économiste partisan du libre marché à dîner, il pensera qu’il doit me rendre la politesse et m’inviter à son tour. Il peut même penser qu’il est un crétin s’il ne le fait pas et ce, même si sa théorie lui dit qu’il vient de recevoir quelque chose pour rien et devrait en être heureux. Pourquoi ? Quelle est cette force qui me pousse à vouloir retourner un cadeau ? 
C’est un argument important, et cela montre qu’il y a toujours une certaine morale qui sous-tend ce que nous appelons la vie économique. Mais il me semble que si vous vous concentrez trop sur ce seul aspect de l’argumentation de Mauss vous vous retrouvez de nouveau à tout réduire en termes d’échange, à cette réserve près que certains feignent de ne pas le faire. 
Mauss n’a pas vraiment tout pensé en termes d’échange, cela devient évident si vous lisez ses écrits autres que son Essai sur le don. Mauss a insisté sur le fait qu’il y avait beaucoup de principes différents en jeu en plus de la réciprocité, dans quelque société que ce soit, y compris la nôtre. 
Par exemple, prenez la hiérarchie. Les cadeaux offerts à des inférieurs ou à des supérieurs n’ont pas à être rendus du tout. Si un professeur invite notre économiste à dîner, bien sûr, il va sentir qu’il devrait rendre l’invitation, mais si c’est un étudiant, il va probablement penser que simplement accepter l’invitation est déjà une faveur suffisante et si George Soros lui paie à dîner, tant mieux, il aura enfin obtenu quelque chose pour rien. Dans les relations explicitement inégales, si vous donnez quelque chose à quelqu’un, loin de vous rendre cette faveur, il est plus probable qu’il s’attende à ce que vous la rééditiez. 
Ou prenez les relations communistes – et je les définis, à la suite de Mauss en fait, comme toutes celles où les gens interagissent sur la base « de chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins ». Dans ces relations, les gens ne comptent pas sur la réciprocité, par exemple, lorsque vous essayez de résoudre un problème, même à l’intérieur d’une entreprise capitaliste. (Comme je dis toujours, si quelqu’un qui travaille pour Exxon demande « donne-moi le tournevis », l’autre gars ne dit pas « oui, et qu’est-ce tu me donnes pour ça ? ») Dans une certaine mesure, le communisme est à la base de toutes les relations sociales – dans le sens où si le besoin est suffisamment important (je me noie) ou le coût suffisamment petit (puis-je avoir du feu ?) – on s’attend à ce que tout le monde agisse de cette façon. 
Quoi qu’il en soit, c’est une chose que j’ai prise à Mauss. Il y aura toujours beaucoup de différentes sortes de principes en jeu simultanément dans tout système social ou économique ; c’est pourquoi nous ne pouvons jamais vraiment ramener tous ces faits à une science. Les sciences économiques essaient, mais en mettant tout de côté, sauf l’échange.

Passons à la théorie économique donc. L’économie a des théories très précises sur ce qu’est l’argent. Il y a l’approche dominante que nous avons abordée brièvement ci-dessus ; c’est la théorie de l’argent-marchandise dans laquelle des marchandises spécifique servent de moyen d’échange pour remplacer l’économie brute du troc. Mais il y a aussi d’autres théories qui ont de plus en plus cours en ce moment. L’une est la théoriecircuitiste de la monnaie dans laquelle tout l’argent est considéré comme une dette contractée par un agent économique. L’autre – qui intègre effectivement l’approche circuitiste – est la théorie chartaliste dans laquelle tout l’argent est perçu comme un moyen d’échange émis par le souverain et gagé sur le recouvrement des créances fiscales. Peut-être que vous pourriez dire quelque chose à propos de ces théories ? 
Une de mes sources d’inspiration pour Debt : the First Five Thousand Years [‟Dette : les cinq mille premières années”] a été l’essai de Keith Hart Two Sides of the Coin [2]. Dans cet essai, Hart souligne que non seulement ces différentes écoles ont des théories différentes sur la nature de la monnaie, mais qu’il y a aussi des raisons sérieuses de croire que les deux ont raison. La monnaie a été, la plupart du temps dans son histoire, une étrange entité hybride qui intègre à la fois les deux aspects, la marchandise (objet) et le crédit (rapport social). Ce que, à mon avis, j’ai réussi à ajouter à cela est la constatation que dans l’histoire, si la monnaie a toujours présenté ces deux aspects à la fois, elle oscille de l’un à l’autre ; il y a des périodes où le crédit prime, et tout le monde adopte plus ou moins les théories chartalistes, et d’autres périodes où le paiement comptant tend à prédominer et alors les théories de la monnaie-marchandise reviennent au premier plan. Nous avons tendance à oublier que, disons au Moyen Âge, de la France à la Chine, le chartalisme était simplement du bon sens : la monnaie était juste une convention sociale, dans la pratique, c’était tout ce que le roi voulait recevoir comme impôts.

Vous dites que l’histoire passe de périodes de monnaie-marchandise à des périodes d’argent virtuel. Ne pensez-vous pas que nous avons atteint un point dans l’histoire où, en raison de l’évolution technologique et culturelle, nous avons peut-être vu la fin de la monnaie-marchandise pour toujours ? 
Les cycles d’une forme à l’autre sont de plus en courts. Mais je pense que nous allons devoir encore attendre au moins quatre cents ans pour vraiment savoir ! Il est possible que l’époque de la monnaie-marchandise touche à sa fin, mais ce qui me préoccupe surtout à présent c’est la période de transition.
La dernière fois que nous avons assisté sur une grande échelle au passage de la monnaie-marchandise à la monnaie de crédit, ce n’était pas très joli. Pour ne rappeler que quelques épisodes, nous avons eu la chute de l’Empire romain, celle de l’âge de Kali en Inde et la disparition de la dynastie Han en Chine… Des périodes de mort, de catastrophe et de chaos. Le résultat final a été, à bien des égards, profondément libérateur pour la majeure partie de ceux qui les ont vécues – l’esclavage pour dette, par exemple, a été largement éliminé des grandes civilisations. Cela a été un acquis historique remarquable. Le déclin des villes signifiait que la plupart des gens travaillaient beaucoup moins. Mais j’espère que le bouleversement ne sera pas d’une ampleur aussi grandiose cette fois. D’autant plus que les moyens réels de destruction sont bien plus importants aujourd’hui.

À votre avis, lequel des deux a joué le rôle plus important dans l’histoire humaine : la monnaie ou la dette ? 
Eh bien, cela dépend de vos définitions. Si vous définissez la monnaie dans le sens le plus large, comme toute unité de compte par laquelle vous pouvez dire que 10 de ceci valent 7 de cela, alors vous ne pouvez pas avoir de la dette sans monnaie. La dette est simplement une promesse qui peut être quantifiée au moyen de la monnaie (et qui donc devient impersonnelle et, par conséquent, transférable). Mais si vous me demandez ce qui a été la forme la plus importante de la monnaie, le crédit ou l’argent, alors probablement je devrais dire le crédit.

Passons aux problèmes du monde actuel. Au cours de ces dernières années, dans de nombreux pays occidentaux, les ménages ont accumulé des dettes énormes, notamment par les prêts immobiliers (ces derniers ayant été la cause de la récente crise financière). Quelques économistes disent que la croissance économique depuis l’ère Clinton était fondée sur une quantité croissante d’endettement familial. Dans une perspective historique, que pensez-vous de ce phénomène ? 
D’un point de vue historique, c’est assez alarmant. On peut remonter plus loin que l’ère Clinton, ce que l’on peut faire valoir, c’est le fait que la crise à laquelle nous assistons est la même que celle de années 1970. Simplement, il a été possible de la retarder pendant trente ou trente-cinq ans grâce à tous les dispositifs élaborés de crédit et bien évidemment à la surexploitation du sud de la planète, à travers la crise de la dette du Tiers-Monde. 
L’histoire eurasiatique oscille, dans ses grandes lignes, entre des périodes dominées par la monnaie virtuelle de crédit et les périodes dominées par la monnaie matérielle (pièces, lingots d’or…). 
Les systèmes de crédit du Proche-Orient antique ont cédé la place aux empires esclavagistes du monde classique en Europe, en Chine et en Inde qui frappaient monnaie pour payer leurs soldats. Au Moyen Âge, les empires disparaissent ainsi que la fabrication de la monnaie – l’or et l’argent sont pour l’essentiel enfermés à double tour dans les temples et les monastères – et le monde retourne au crédit. Après 1492, les empires reviennent et avec eux les devises en or et en argent, et l’esclavage. 
Ce qui s’est passé depuis que Nixon a abandonné l’étalon-or en 1971 a simplement été un nouveau tour de roue, même si, bien sûr, il ne se produit jamais deux fois de la même manière. Cependant, en un sens, je pense que nous avons fait les choses à l’envers. 
Dans le passé, les périodes dominées par la monnaie de crédit ont également été des périodes accompagnées de protections sociales pour les débiteurs. Une fois que vous reconnaissez que la monnaie n’est qu’un artefact social, un crédit, une reconnaissance de dette, comment empêcher les gens d’en produire indéfiniment ? Comment empêcher les pauvres de tomber dans les pièges de la dette et dans la servitude des riches ? C’est pourquoi vous avez eu l’effacement des tablettes en Mésopotamie, les jubilés bibliques, les lois contre l’usure au Moyen Âge, tant chrétien que musulman, et ainsi de suite. Depuis l’Antiquité, le pire des scénarios, celui dont chacun sentait qu’il conduirait à la rupture sociale totale, c’est une crise majeure de la dette. Les gens ordinaires se retrouvent si endettés auprès des 1 % ou 2 % de la population les plus riches qu’ils commencent à vendre les membres de leur famille en esclavage, voire éventuellement eux-mêmes. 
Que se passe-t-il à notre époque ? Au lieu de créer des institutions globales pour protéger les débiteurs, on a créé le Fonds monétaire international (FMI) ou Standard & Poor’s pour protéger les créanciers. Ils proclament, au mépris de toute logique économique traditionnelle, qu’un débiteur ne doit jamais être autorisé à faire défaut. Inutile de dire que le résultat est catastrophique. Nous vivons quelque chose qui, pour moi, ressemble exactement à ce dont les anciens avaient le plus peur : une population de débiteurs patinant au bord du désastre. 
Je dois ajouter que si Aristote se baladait par ici aujourd’hui, je doute beaucoup qu’il considère comme autre chose qu’une subtilité juridique la distinction entre le fait de te louer ou de louer des membres de ta famille à un employeur et le fait de te vendre ou de vendre des membres de ta famille comme esclaves. Il conclurait très probablement que la majorité des Américains sont à tous points de vue des esclaves. 

Vous mentionnez le fait que le FMI et Standard & Poor’s sont des institutions principalement orientées vers le recouvrement des dettes pour les créanciers. Cela semble être devenu aussi le cas dans l’Union monétaire européenne. Que pensez-vous de la situation en Europe en ce moment ? 
Je pense que c’est un excellent exemple de la raison pour laquelle les dispositions existantes sont clairement intenables. Évidemment, la « totalité de la dette » ne peut pas être payée. Mais même si certaines banques françaises ont offert des rabais volontaires à la Grèce, les autres ont précisé qu’ils considéreraient cela comme un défaut de paiement de toute façon. Le Royaume-Uni a pris une position encore plus bizarre, disant que cela vaut même pour les dettes de l’État envers les banques qui ont été nationalisées – c’est-à-dire, techniquement, pour les dettes ce qu’elles se doivent à elles-mêmes ! Si cela signifie que les retraités impotents ne peuvent plus utiliser les transports en commun ou que les centres de jeunes doivent être fermés, eh bien c’est tout simplement la « réalité de la situation », comme ils l’ont déclaré. 
Ces « réalités » se révèlent de plus en plus comme étant celles du pouvoir. Il est clair que les assertions du type « les marchés s’autorégulent, les dettes doivent toujours être honorées » ont perdu tout sens en 2008. C’est l’une des raisons pour lesquelles, je pense, nous voyons le début d’une réaction très similaire à celle que nous avons connue au plus fort de la « crise de la dette du Tiers-Monde », qui fut appelé alors, plutôt bizarrement « mouvement antimondialisation ». Ce mouvement qui appelait à une véritable démocratie a réellement essayé de pratiquer des formes de démocratie directe et horizontale. En face de cela, on trouve l’alliance insidieuse entre les élites financières et les bureaucraties planétaires (que ce soit le FMI, la Banque mondiale, l’OMC, aujourd’hui l’UE, ou ce que vous voulez).
Lorsque des milliers de gens commencent à se rassembler sur des places en Grèce ou en Espagne en appelant à la « démocratie réelle », ce qu’ils veulent dire, c’est : « Depuis 2008, vous avez laissé le chat de la crise sortir du sac. Alors, si l’argent n’est vraiment qu’une construction sociale, une promesse, une série de reconnaissances de dettes, et même de milliers de milliards de dettes, on peut les faire disparaître si des acteurs suffisamment puissants le demandent. Si la démocratie signifie quelque chose, tout le monde doit pouvoir peser sur la manière dont ces promesses sont faites et peuvent être renégociées. » Je trouve cela extrêmement encourageant. 

D’une manière générale, comment voyez-vous le dénouement de la crise de la dette, ou crise financière actuelle ? Sans vous demander de regarder dans la proverbiale boule de cristal, comment voyez-vous l’avenir se dérouler, autrement dit, comment vous situez-vous en ce moment ? 
Pour l’avenir à long terme, je suis assez optimiste. Nous avons peut-être fait les choses à l’envers au cours des quarante dernières années, mais en termes de cycles de cinq cents ans, eh bien, quarante ans ce n’est pas grand-chose ! Finalement, il faudra reconnaître que dans une phase d’argent virtuel, de crédit, des protections doivent être mises en place – et pas seulement celles des créanciers. Combien de catastrophes faudra-t-il pour y arriver ? Je ne puis le dire. 
Mais en attendant, il y a une autre question à se poser : une fois que nous aurons fait ces réformes, le résultat sera-t-il quelque chose qui pourrait encore s’appeler « capitalisme » ? 

Traduction pour Courant Alternatif par nos soins (Domi, J.F., Daniel)

Notes de la traduction 
[1] Shylock : personnage de prêteur sur gage (usurier) dans Le Marchand de Venise de Shakespeare. Le prélèvement sur son corps d’une livre de sa chair est le gage que le marchand Antonio accepte de souscrire en échange du prêt que lui accorde le juif Shylock. Antonio, connaissant un revers de fortune, ne peut rembourser. Shylock, qui veut se venger des humiliations que lui ont fait subir les chrétiens, exige que le contrat soit appliqué à la lettre, sachant qu’il entraîne ainsi la mort d’Antonio. 
[2] Keith Hart, Heads or Tails ? Two sides of the coin, 1986. Ouvrage non traduit en français. 


Cette interview a été publiée dans le numéro n°224 de Courant Alternatif, novembre 2012.

La version originale a été réalisée par Philip Pilkington, journaliste et écrivain basé à Dublin, Irlande, et publiée originellement sur le site nakedcapitalism.com le 26 août 2011. Une version extrêmement raccourcie a été publiée dans le mensuel Alternatives Economiques Hors-série n° 91 - décembre 2011.

David Graeber occupe actuellement le poste de maître de conférences en anthropologie sociale à l’Université Goldsmiths de Londres. Avant cela, il a été professeur agrégé d’anthropologie à l’Université de Yale qui l’a remercié pour ses engagements politiques. Il a participé activement au mouvement Occupy Wall Street de New York qui a d’ailleurs lancé récemment un appel à la « grève de la dette », à la formation d’un mouvement des endettés qui refusent de payer leurs dettes.




Un livre de David Graeber a été publié en français sous le titre, Pour une anthropologie anarchiste, 2006, éditions Lux (Canada). Voir ici


Une sélection d’articles sur la dette et la crise publiés dans Courant Alternatif et repris sur le site OCLibertaire :

Agences de notation : AAA AAAA... tchoum !! (janvier 2012)

Une crise de la finance ??? (octobre 2011)

Dette, déficit et domination (décembre 2010)

Nous ne leur devons rien, la bourgeoisie nous doit tout ! (Tract, août 2010)

D’une crise à l’autre (juillet 2010)

Dettes et déficits, un outil de domination (juin 2010)

Dette publique de la Grèce, ou comment encore une fois la crise nourrit la finance (mars 2010)

 

Source : OCL

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7 décembre 2012 5 07 /12 /décembre /2012 08:21

Moonstomp

S’il est bien un mouvement qui traine une fâcheuse réputation, c’est bien le mouvement Skinhead. Pourtant tout n’était pas si noir (ou blanc) à l’origine. En effet ces jeunes prolétaires agités vouaient un tel culte à la culture Jamaïcaine de la fin des sixties que lorsqu’elle prit le virage du Rastafarisme au début des années 70, cela stoppa brutalement l’ascension de cette mouvance. Plus tard avec l’arrivée du Punk et sous fond de crise économique, une bonne partie du renouveau Skinhead flirtera pour son plus grand malheur avec l’extrême droite et entérinera de fait son statut de mouvement maudit.

Trente ans après le fatal glissement vers des extrémités peu glorieuses, plusieurs ouvrages sortent pour expliquer, clarifier et amener une certaine réhabilitation du Skinhead. Déjà en 2006 le cinéma avec « This Is England » avait remis un peu les pendules à l’heure en re- contextualisant ce phénomène typiquement anglais. Le film a ses défauts mais permet au grand public de découvrir un mouvement pluriculturel, multi-ethnique plus complexe et moins effrayant qu’il n’y paraît. Après 2011 avec la traduction de l’anthologie Mods de Paolo Hewitt qui suivait la sortie du film « We Are The Mods », l’année 2012 serait-elle celle des Skinheads ?

THISISENGLAND_quad_new

Historiquement les Skinheads viennent de la radicalisation d’une partie du mouvement Mods quand celui ci, renonçant à ses racines musicales purement noires (Jazz, Ska, Rhythm and Blues, Soul), s’ouvrit au psychédélisme et opta pour des tenues moins strictes et plus décontractées. Cette scission s’opéra au milieu des années soixante par les éléments les plus jeunes, les « Hard Mods ». Les cheveux se firent plus courts avec des tenues vestimentaires plus uniformisées et moins extravagantes que leurs ainés. Au fur et à mesure que les Mods disparaissaient, le mouvement Skinhead émergea. Musicalement, ces jeunes prolétaires optent pour le Ska et le Rocksteady Jamaïcain. Les tenues de travail (Jeans droits, Doc Martens, Polos Perry, Blousons Harringtons) deviennent la norme pour le jour, tandis que les costumes plus élégants sont réservés pour les clubs de danse, la nuit. Les blancs et les Rude Boys Jamaïcains se mêlent pour ne former qu’un seul groupe. L’amour pour la musique lisse leurs différences. Les grands noms de l’époque sont : Toots And The Mayals, Desmond Dekker, Laurel Aitken ou les Ethiopians. Le mouvement est complètement apolitique. La seule chose qui compte c’est la frénésie du Beat, à tel point que lorsqu’au début des années 70, le Dub, puis le Reggae remplacent les rythmes endiablés, cela tue purement et simplement le mouvement.

Skin-Couv1

L’arrivée du Punk à la fin des années 70 va sortir de l’oubli un mouvement moribond qui se retrouve dans cette musique agressive et peu sophistiquée. La deuxième vague Punk va être l’occasion de l’émergence de nouveaux groupes qui vont jouer un punk rock basique avec des cœurs appuyés de type, stade de foot. C’est la naissance de la Oi! Ce type de Punk plait par sa simplicité et par des paroles orientées « Working Class » et complètement dénuées d’ironie : un premier degré de rigueur aussi bien dans les paroles que dans la musique. Le fer de lance de cette musique est mené par Sham 69 et leur fameux « If The Kids Are United (They Never Be Divided) », Angelic Upstarts, Cock Sparrer ou les Cokney Rejects. Le terme Oi! sera popularisé et ardemment défendu par le journaliste Gary Bushell (ex-manager des Cokney Rejects) dans le journal « Sounds ».

Le Skin du début des années 80 se différencie largement de son comparse de la fin des 70’s. Il s’est nourri de la radicalité et de l’agressivité du Punk pour proposer une variante beaucoup moins amicale. Visuellement aussi, le look s’est militarisé. Les Boots de parachutistes coqués ont remplacées les Docs Martens. Les Bombers MA1 des aviateurs américains foisonnent et le jeans est bariolé de taches de javel (version camouflage urbain). La situation économique n’est pas non plus la même. La crise pétrolière est passée par là, et la majorité des Skins qui sont au chômage deviennent des cibles plus faciles pour le « National Front » (NF, parti d’extrême droite). Les Skins sont des bonnes recrues pour les actions coup de poing mais ils deviendront rapidement ingérables pour un parti en quête de respectabilité. Il faudra quand même quelques années avant que l’extrême droite ne comprenne que les Skins ne deviendront jamais des militants modèles.

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Alors qu’en juillet 1981, la Oi! s’apprêtait à rentrer dans les charts anglais, un concert est organisé dans un pub de Southall, un quartier asiatique qui avait connu des émeutes raciales très violentes 2 ans auparavant. A cette époque les Skinheads étaient violemment montrés du doigt par une presse toujours à l’affut d’articles à sensation. Ce soir là, la police quadrille le quartier et la communauté Pakistanaise est chauffée à blanc. Lorsqu’on signale une agression par un Skin, la situation dégénère. Le pub est incendié à coup de cocktails molotov. Les Skinheads prennent la fuite tandis que les affrontements continuent le restant de la nuit entre policiers et les jeunes du quartier. Cet incident sera une nouvelle fois monté en épingle et portera un coup fatal à la scène Oi! et au mouvement Skinhead en général.

En parallèle Sham 69 est obligé de se séparer à cause d’une partie définitivement incontrôlable de son public qui vouait une sympathie certaine pour l’extrême droite. Le fait que leur chanteur, Jimmy Pursey participe au coté de The Clash au festival ‘Rock Against Racism‘ (RAR) ne changera rien. Après tous ces incidents, les groupes de Oi! seront obligés de choisir leur camp. La quasi totalité se déclarera proche de la gauche ou simplement apolitique. En réaction au RAR, Ian Stuart et son groupe Skrewdriver, proche du NF créeront le RAC (Rock Against Communism). Le RAC finira par ratisser plus large que le Punk en englobant tous les groupes proches de l’extrême droite, mais n’arrivant jamais à toucher quiconque n’était déjà pas proche de leurs idées.

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Aujourd’hui il existe toujours une mouvance Skinhead même si elle est extrêmement hétérogène. On pourrait presque dire qu’il y a autant de types de Skins que de Skinheads. Néanmoins le look s’est recentré sur celui des origines, le « Spirit of 69 ». Musicalement les grandes tendances sont toujours le Ska/2 Tones, le Rocksteady, et le Street Punk, version moderne de la Oi! d’antan. Le look Skin permet en outre, pour les punks vieillissant, de recycler la panoplie Destroy de leur 20 ans, tout en arborant une coupe de cheveux plus passe-partout (très utile pour un job régulier), à moins que ce soit juste une revanche sur une calvitie précoce ?

Deux ouvrages sur cette thématique sont donc sortis ces jours ci.

- Skinheads de John King aux éditions Au Diable Vauvert.

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Skinheads retrace le parcours d’une famille de Skinheads à travers plusieurs générations. Terry English un Skinhead de 1969 a monté une affaire de Taxi à Londres dans laquelle tous les employés sont des Skins, notamment son neveu Ray un « Skin 84 ». Terry est veuf et malade. Il pense que sa fin est proche. Mais il a des principes, c’est quelqu’un qui travaille dur et qui ne va pas s’apitoyer sur son sort. S’il doit partir, se sera, droit dans ses Docs et le poil coupé ras, au sabot n°2. Son neveu, lui est enlisé dans des problèmes de couple et est en colère contre la terre entière. Sa colère et ses principes inflexibles l’empêchent d’avancer. Autour d’eux, l’univers tourne autour des copains du pub, du billard, du foot et surtout de la musique qui est le pilier central de leurs vies.

Skinheads est la vision d’une certaine classe laborieuse anglaise qui n’hésite pas à se défendre et à défendre ses principes quand la nécessité l’oblige. Le livre est un régal. C’est une immersion totale dans un univers typiquement britannique. Il n’y a que là bas que l’on peut trouver de telles sub-cultures (Rockers, Mods, Punks, Skin, Souls Boys, 2 Tones, etc.) qui perdurent de génération en génération et où l’esprit de corps est omniprésent.

- Skinhead – Nick Knight aux éditions Camion Blanc.

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Ce livre est la première traduction du livre de 1982 sorti chez Omnibus Press et qui faisait référence depuis sur le mouvement Skin. Le livre est écrit à plusieurs mains. Nick Knight dans la première partie revient sur l’historiographie du mouvements et propose à la fin du livre une sélection de photos datant de 80/81 prise dans L’East End Londonien. Ensuite Dick Hebdige, théoricien des cultures undergrounds s’attarde sur la psychologie des Skinheads du début des 80’s. Enfin Jim Ferguson nous montre un panel exhaustif du « dress code » en vigueur entre les années 69-71. On notera une nouvelle fois à quel point les Skins, héritiers des Mods, étaient soucieux de leur apparence jusqu’au moindre détail.

Pour ceux qui comme moi ont fuit comme la peste (brune ?) cette inamicale population, rassurez vous, il est loin le temps des affrontements légendaires entre les différentes factions de la jeunesse. Le Skin après avoir connu une enfance dorée, s’est révélé difficilement supportable pendant son adolescence. Aujourd’hui, il est revenu à ses fondamentaux, c’est à dire du « Smart-dressing » pour danser sur un « Heavy Heavy Monster Sound » ! Alors Skinhead, il est temps de cirer tes chaussures de danse, samedi soir la jeunesse s’amuse, et c’est bientôt l’heure du « Moonstomp Skinhead » !

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Source: Alter1fo.com
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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 15:39
Publié le
Mercredi 28 novembre 2012 – Concert de Keny Arkana à la Rodia:

De nombreux antifas présents sur les lieux repèrent un rasé avec un sweet à capuche, avec un logo « good night left side » entourant une croix celtique dans le dos. Ni une ni deux, ce facho reçoit plusieurs coups de poings en pleine face, tombe à terre. Des « non-violents » s’interposent en disant que « la violence, c’est mal »! Mais rien n’y fait, les coups continuent de pleuvoir pendant quelques secondes, avant que ce dernier foute le camp. Aucun vigile n’a osé intervenir….

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Nuit du jeudi 29 au vendredi 30 novembre 2012 – devant le pub de l’Etoile (Croisement Grande Rue/ rue Claude Pouillet):

Une bande de néo-nazis/fascistes est repérée à la sortie du pub, vêtue de Lonsdale et de vestes harrington. Le temps de prévenir les personnes présentes rue Claude Pouillet, quelques personnes déterminées à les dégager se dirigent en direction de la Grande rue. C’est à ce moment qu’un type se revendiquant « skin » vient nous parler. On lui demande de quel bord il se situe, lui précisant que pour nous, le terme « skin » ne veut rien dire (les apolitiques n’existent pas!). Bref, on perd patience et les coups s’abattent sur sa gueule.

Des jeunes du quartier de Planoise étaient également de la partie avec une volonté farouche de les dégager.

Alors que le faf agonisait au sol, un de nos copains l’a entendu dire qu’il « n’était pas antifa, qu’il était skin et qu’il respectait ses couleurs » (bleu blanc rouge en somme)

De nombreux potes du fasciste n’ont pas répliqué, alors même qu’ils étaient deux fois plus nombreux.

Ils n’ont pas tardé à déguerpir après avoir vu la gueule de leur copain nazillon la bouche en sang (il semblerait même qu’il y ait laissé quelques dents!). La police est arrivée peu de temps après la baston.

On s’est juré de se retrouver si jamais ces nazis refoutaient les pieds dans nos quartiers. D’après des sources de camarades antifa, d’autres fachos (des plus gros pour le coup: ce sont essentiellement le sanglier (Sébastien Faivre) et ses potes du National-Socialist Black Metal – plus d’infos sur fafwatch Franche-Comté) prennent l’habitude d’aller s’abreuver au Kilarney pub, situé dans la rue Courbet à proximité du cinéma des Beaux-Arts.

Prudence donc à touTEs et n’hésitez pas à alerter la population si vous voyez ces individus dans le secteur.

Il est possible qu’ils patrouillent lors des soirées bisontines, notamment dans le secteur rue Pouillet où il y a du monde.

A noter que cette rage antifasciste qui s’illustre en ce moment intervient alors même qu’un camarade antifasciste de Planoise a reçu indirectement il y a quelques jours des menaces de la part de Teddy Méret, Kevin Kattet et sa bande (leurs sales gueules sont sur Fafwatch Franche-Comté)

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Vu le samedi 1er décembre au matin:

De nombreuses poubelles ont été incendiées durant la nuit dans le secteur du centre-ville. Par ailleurs, le commissariat de police de la gare d’eau a été visé par plusieurs projectiles. Des énormes impacts sont visibles sur la vitre. Il n’est pas impossible que cette attaque soit liée à l’occupation policière omniprésente et à leur volonté de nous contrôler. Il y a peu, les CRS ont fait parler d’eux.

 

Source : Le Chat Noir Emeutier

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1 décembre 2012 6 01 /12 /décembre /2012 12:02
Crédit Photo: 
Photothèque Rouge/JMB

 

Selon le directeur des études de la banque Natixis, « aujourd’hui, les États et les entreprises arrêtent d’investir et nous allons vers la destruction. Si nous pensons une croissance de long terme, le désendettement se fera tout seul »1. C’est une solution de ce type, une « stratégie de croissance européenne », que promettait le candidat Hollande. Avant d’analyser cette stratégie, revenons d’abord sur les raisons pour lesquelles la production de la zone euro est actuellement inférieure à son niveau d’avant-crise.

Après la sortie de la récession de 2009, des premiers plans d’austérité ont été mis en œuvre dans les pays périphériques. En 2011, les politiques budgétaires restrictives ont été généralisées et représentaient 1,1 point du PIB de la zone. L’austérité a alors provoqué un grand ralentissement. Celui-ci s’est désormais transformé en récession. Le recul du PIB de la zone euro est de 0,5% en 2012 selon l’OFCE, de 0,4% selon la Commission européenne. Entre la récession amorcée fin 2008 et celle qu’elle traverse actuellement, la zone euro a seulement connu neuf trimestres de faible croissance. Selon Eurostat, la formation brute de capital fixe est historiquement basse, elle représente aujourd’hui 18,6% du PIB de la zone contre 21,8% en 2007.

À l'exception de l'Irlande, aucun pays ne voit son secteur industriel redémarrer. Selon l'enquête PMI réalisée par le cabinet d'études Markit auprès des directeurs d'achat, l'activité de l’industrie allemande est en baisse depuis huit mois. Les exportations germaniques viennent de subir leur plus forte baisse depuis décembre 2011. En France, le secteur industriel s'est contracté au cours de 14 des 15 derniers mois.

Pour quiconque suit un peu l’actualité économique, il était donc pour le moins surprenant de lire le 17 octobre 2012 dans un entretien du président Hollande que « sur la sortie de la crise de la zone euro, nous en sommes près, tout près ». Les termes sont certes un peu plus prudents que ceux qu'avait employés Christine « tout-va-bien » Lagarde en 2008, ou Nicolas « la-crise-est-finie » Sarkozy en mars 2012. La déclaration de François Hollande n'en demeure pas moins mensongère.

Selon les dernières prévisions de l’OFCE, avec une austérité accrue en 2012 et maintenue en 2013, la croissance de la zone euro demeurera négative en 2013 (-0,1%) tandis que celle de l’économie française sera nulle. Le chômage atteindrait, fin 2013, le taux record de 12,1% dans la zone euro (11% en France)2. Les prévisions de la Commission et celles de l’OCDE sont à peine plus optimistes3. Et le ministère allemand des Finances s'attend, selon un communiqué diffusé le 9 novembre, à ce que la première économie de la zone subisse « une dynamique économique remarquablement plus faible pendant la période hivernale ».

Le 27 novembre, François Hollande a pourtant refusé de réviser la prévision officielle de croissance pour 2013 (+0,8%). Et il n'est pas le seul dirigeant français à afficher son optimisme. Dans un entretien accordé le 24 octobre, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a estimé que dans la zone euro « les conditions d'une sortie de crise sont réunies » et que « nous pouvons espérer qu'en 2013 nous voyions en France la confiance revenir progressivement ». Sans doute avec l'aide de l'austérité ? Si le ministre des Finances, Pierre Moscovici, a salué la publication de la croissance du troisième trimestre (+0,2%) en déclarant que « la France est une économie solide qui a un potentiel de rebond », le seul rebond en vue est en fait celui du chômage. Or, si l'accroissement de cette « armée de réserve industrielle » n'est pas un problème pour le système capitaliste, il peut en devenir un pour des dirigeants politiques qui veulent être réélus. Après une année 2013 très difficile, les bienfaits du « changement » se feront-ils sentir ? Indépendamment de toute considération de justice sociale, la stratégie du gouvernement a-t-elle des chances de fonctionner ?

Trois idées sous-tendent l'optimisme des dirigeants français. La première est que 2013 ne laissera pas de traces trop profondes dans la dynamique du capitalisme français car l’effet récessif de l’austérité budgétaire sera partiellement limité par la baisse du taux d’épargne. Les augmentations de la fiscalité toucheraient uniquement « 10% des ménages les plus riches » qui pourraient puiser dans leur épargne pour continuer à consommer. L’Insee estime que « les mesures nouvelles de hausse de prélèvements obligatoires, notamment celles concernant les revenus du capital, affecteraient en grande partie des revenus qui sont en général épargnés à court terme. Les ménages amortiraient ainsi les conséquences sur leurs dépenses de consommation de la baisse de leur pouvoir d’achat au second semestre 2012 en réduisant leur taux d’épargne »4. On peut d’abord objecter qu’en raison de l’incertitude actuelle, la poursuite de la baisse du taux d’épargne observée depuis le deuxième trimestre 2011 n’est pas assurée. En outre, la baisse des dépenses publiques et une petite partie de la hausses d’impôts auront bel et bien un impact sur les revenus des classes populaires, surtout si l’on y ajoute l’effet des mesures Fillon maintenues par Ayrault (gel du point d’indice des fonctionnaires, taxe de 7% sur les mutuelles, financement par les ménages de la réforme de la taxe professionnelle, etc.). Enfin, de nombreux travailleurs perdant leur emploi ne disposent pas d’une épargne importante. D’ailleurs, l’Insee ne conclut pas à une consommation dynamique, celle-ci « résisterait », « ne progresserait pas ».

Si cette première source d’optimisme doit donc être relativisée, les deux autres hypothèses sur lesquelles repose la stratégie des sociaux-démocrates français sont en revanche absolument erronées.

Régler le « cas grec » ?

François Hollande déclarait le 17 octobre que « plus tôt nous sortirons de la crise de la zone euro, c'est-à-dire plus rapidement nous réglerons le cas grec, et plus vite nous parviendrons à financer à des taux raisonnables les dettes des pays bien gérés ». Mais ce soi-disant « cas grec » est-il vraiment en passe d’être réglé ? Et à supposer qu'il le soit, cela suffirait-il à régler la crise de l’euro ? Le président vient de répondre positivement à ces deux questions. Interrogé sur les mauvais chiffres de croissance et de déficits publics publiés par l'OCDE, il a estimé que les décisions du sommet européen du 27 novembre concernant la Grèce allaient avoir une influence décisive : « la résolution de la crise grecque va permettre maintenant de lever tous les doutes sur l'avenir de la zone euro, son intégrité, sa pérennité »5. Cette thèse ne résiste pas à l’analyse concrète de la situation.

La Grèce va entrer dans une sixième année de récession. La demande intérieure s’est effondrée : la consommation des ménages diminue continuellement depuis le deuxième trimestre 2011 et le niveau des ventes de détail a baissé de 24% par rapport à son niveau de 2005, ce qui laisse entrevoir l’ampleur de la catastrophe sociale6. En outre, malgré une chute des importations de 14,9% en 2011 et de l’ordre de 10% en 2012, la balance courante – qui comptabilise les flux de marchandises et de revenus avec l'extérieur - reste aujourd'hui très déficitaire. En effet, le déficit courant qui représentait 10% du PIB en 2010, sera supérieur à 7% du PIB en 2012. Concernant les comptes publics, les recettes fiscales sont inférieures aux prévisions7.

Cette situation catastrophique va-t-elle rapidement s’améliorer ? Non, pour deux raisons. La première est politique : la coalition arrivée au pouvoir fin juin n’a pas le début d’une solution alors qu'elle promettait « avec l'aide de Dieu, de tout faire pour sortir le pays de la crise ». Non seulement le Seigneur est aux abonnés absents mais les discussions avec la Troïka n’ont pas permis au gouvernement Samaras de conserver quelque apparence de souveraineté. Le déblocage du prêt de 34 milliards d’euros, qui sera finalement versé le 13 décembre et suivi de 9,7 milliards supplémentaires début 2013, n'est pourtant qu'une péripétie : il ne résout pas les problèmes de fonds, tout en enfonçant un peu plus le pays dans la dépendance et dans la barbarie déflationniste. Selon Der Spiegel, la troïka a exigé les noms et prénoms des 2 000 employés de la fonction publique qui doivent être licenciés d'ici à la fin de l'année. Et si les gains réalisés par les banques centrales nationales et la BCE sur les titres grecs seront rétrocédés au pays, ce sera sur un compte bloqué. Le produit des privatisations grecques sera également versé sur un compte séquestre, comme l’exigeait le ministre de l'Économie allemande, Wolfgang Schäuble.

La troïka est confrontée à une contradiction : en mettant de plus en plus l'État grec sous tutelle, elle fragilise la bourgeoisie locale qui apparaît de plus en plus comme sa marionnette. Le 7 novembre, le Parlement grec a adopté un nouveau plan de mesures d’économies budgétaires. Or, cette loi pluriannuelle qui prévoit 18,1 milliards d'euros d’efforts d’ici 2016 a été adoptée avec une très courte majorité de 153 voix sur 300. Cinq mois après son élection, le gouvernement Samaras a donc vu son soutien parlementaire s'effriter. Le budget 2013 a certes été adopté par une majorité plus large de 167 voix sur 300, mais cela reste inférieur aux 179 sièges dont disposait la coalition fin juin. Selon un sondage publié la veille du déblocage du prêt, seulement 10% des Grecs interrogés affirmaient que ce dernier pourrait sauver le pays. Les sondages les plus récents imputent tous à Syriza, coalition de la gauche radicale, un score supérieur à celui du parti du Premier ministre. Le Pasok poursuit son écroulement en dessous de 10% et les néonazis progressent encore.

La deuxième raison est que la situation financière de la Grèce est loin d’être stabilisée. Avec la restructuration de la dette détenue par les acteurs privés (annoncée fin juillet 2011, actée en octobre 2011 et mise en œuvre en mars 2012), environ 105 milliards d'euros de créances ont été abandonnées. Mais en raison de la dynamique de la crise et de l'effet dépressif des mesures d'austérité, cela n'a pas empêché la dette publique de continuer à s'accroître. Celle-ci est passée de 129% du PIB en 2009 à environ 170% aujourd’hui. Alors que son déficit représente 6,6% du PIB et qu’il ne parviendra pas avant longtemps à émettre de titres de moyen ou long terme, l'État grec est supposé rembourser 53 milliards d'euros aux États européens, 74 milliards au Fonds européen de stabilité financière (FESF), environ 45 milliards à la BCE, 23 milliards au FMI et 62 milliards à des agents privés (essentiellement bancaires).

Cette fiction est en train de se dissiper. Les dettes arrivant à échéance en 2013 représentent plus de 15 milliards d’euros. Pour l’année 2014, elles s’élèvent à 25 milliards d’euros8. En acceptant de repousser de 2014 à 2016 l'objectif d'un excédent budgétaire primaire de 4,5% du PIB, et de 2020 à 2022 celui d’une dette publique à 120 % du PIB, Angela Merkel, qui prépare les élections législatives, voulait faire croire encore quelques mois qu’il n’y aurait pas de nouvelle restructuration touchant cette fois-ci les créanciers publics. À l’inverse, si le FMI refusait ce délai supplémentaire, c’était pour obliger les dirigeants européens à admettre un défaut partiel de l'État grec. Pour éviter cette annonce explosive, l’Eurogroupe a envisagé le 21 novembre des mesures dont la « complexité dépasse l'entendement », selon le ministre des Finances français, Pierre Moscovici.9 Baisse des taux, allongement des délais, moratoire sur une partie des intérêts, etc. Le point essentiel est que ces mesures, finalement adoptées le 27 novembre, amorcent une deuxième restructuration de la dette grecque. Et cette fois, ce sont les créanciers publics qui vont renoncer à une partie de leurs prétentions initiales.

Par ailleurs, les négociations ont mis au jour un fait nouveau : les divergences des dirigeants ont porté sur le timing et les modalités, mais pas sur le principe d'une restructuration. Les secteurs les plus hostiles à cette dernière ont dû faire preuve de pragmatisme. Ainsi le président de la très orthodoxe Banque centrale allemande a-t-il accepté du bout des lèvres le principe d'une décote... jugeant seulement que la mesure était prématurée10. Quant à Rainer Brüderle, qui dirige le groupe parlementaire du FDP (alliés libéraux de Mme Merkel), il a déclaré mardi 27 novembre que « ces mesures sont dangereuses car elles créent un précédent. Mais la Grèce est un cas extrêmement spécial »11. Toujours le mythe du « cas grec » dont on espère qu’il demeure isolé quand tout indique le contraire…

En résumé : la situation sociale de la Grèce est catastrophique, le déficit courant a peu diminué, la dette publique est bien plus élevée et seuls de nouveaux prêts permettront à l'État grec de faire face aux prochaines échéances de remboursement. Après avoir revu à la baisse le taux d'intérêt de 5% qu'ils avaient eux-mêmes exigé de l'État grec, après avoir organisé une restructuration de la dette détenue par les créanciers privés, les dirigeants européens viennent de mettre en place une nouvelle restructuration, mais de la façon la plus lente possible afin de pouvoir exiger la poursuite des politiques d'austérité. Cette logique est absurde. Dans son dernier ouvrage, Michel Aglietta explique que « l’aide à la Grèce doit cesser de prendre la forme de prêts qui ne font qu’accroître l’endettement et enfoncer le pays dans la dépendance sans aucun effet économique positif. Il faut que ce soit des transferts définitifs, dédiés à l’investissement productif, par des fonds structurels européens dont l’usage serait planifié et contrôlé »12. Une telle solution est hautement improbable. Mais avant d'en discuter, rappelons que la crise grecque – qui est loin d'être réglée – ne constitue que la partie émergée de la crise de l'euro. Résoudre cette dernière nécessiterait bien plus que la stabilisation de la situation financière de la Grèce.

La situation des pays périphériques

« Les doutes sur l'avenir de la zone euro » sont-ils en passe d’être levés ? La résolution de la crise de l’euro suppose la restructuration des dettes mais aussi la résorption des divergences structurelles entre les États. Comme l’explique Michel Husson, depuis la création de l’euro, le coût salarial unitaire varie peu dans les différents pays de la zone, « les salaires réels ont progressé en phase avec la productivité du travail. En revanche, les taux d’inflation très différenciés ont considérablement élargi l’éventail des coûts salariaux unitaires qui définissent la compétitivité-coût de chaque pays »13. Avec la monnaie unique, le rattrapage de croissance des pays périphériques s’est accompagné d’une inflation nettement plus forte qui a alimenté les déficits commerciaux et l’endettement. Or, comme le rappelle Aglietta, « c’est l’accroissement de la dette extérieure totale des pays en déficit courant permanent que les non-résidents doivent financer et que les investisseurs privés ne veulent plus financer »14. Ce problème n’est pas « grec ». Tous les pays périphériques ont une dette extérieure nette (représentant ce que les agents privés et publics d’un pays empruntent à l’extérieur moins ce qu’ils prêtent à l’extérieur) de l’ordre de 100% du PIB, à l'exception de l’Italie où ce ratio est de seulement 25% du PIB15.

L’effet des politiques d’austérité sur les recettes fiscales a compromis la réalisation des objectifs que les classes dominantes européennes s’étaient données. La troïka a donc été contrainte d’accorder du temps à l’Espagne, au Portugal et à la Grèce. En outre, dans ces trois pays, la crise économique est désormais liée de façon inextricable à une crise sociale et politique.

En Espagne, prochain pays candidat à un plan de financement européen, le Trésor a bouclé son programme de financement à moyen et long terme pour 2012. Grâce aux annonces de la BCE concernant le nouveau programme OMT, le taux des dernières émissions d'obligations a été inférieur de 200 points de base à son niveau de juillet. De plus, la baisse de l'activité a légèrement décéléré en octobre. Mais alors que le nombre de chômeurs a officiellement augmenté de 473 000 sur les 12 derniers mois et que le taux de chômage dépasse 25%, la Commission européenne estime que le PIB diminuera en 2013 dans la même proportion qu'en 2012 (-1,4%) et que Madrid n'atteindra pas ses objectifs de réduction du déficit budgétaire. Le déficit public devrait atteindre 8 % du PIB cette année et 6 % en 2013 et 2014. La situation sociale est explosive. Alors qu’entre 2007 et 2011, les foyers espagnols ont réduit leurs dépenses de près de 8 %, le relèvement du taux général de TVA, passé de 18 % à 21% le 1er septembre 2012, a réduit un peu plus la demande intérieure. Les ventes de détail se sont effondrées de 10,9% en septembre. Comme le chômage réduit chaque jour la solvabilité des ménages et que la récession provoque la faillite des entreprises, les créances douteuses détenues par les banques continuent d’augmenter. En septembre 2012, elles représentaient 10,7% du total des crédits, contre 0,72% en 2006.

Au Portugal, où l’économie a subi en 2012 sa plus forte contraction (-3%) depuis les années 1970, la crise ravive la lutte des classes. La Cour constitutionnelle ayant interdit la suppression des treizième et quatorzième mois de salaires des fonctionnaires, le gouvernement Coelho a annoncé le 7 septembre une hausse de 7 points des cotisations sociales salariales et une réduction de 5,75 points des cotisations patronales. Cela a provoqué des mobilisations telles que le Premier ministre, désormais surnommé « le Robin des bois des riches », a dû reculer. Mais cette victoire des travailleurs portugais n'a pas empêché le Parlement d'adopter le 31 octobre dernier un budget 2013 accentuant encore l'austérité. Or, les mêmes causes auront les mêmes effets.

Si les pays européens périphériques s'enfoncent dans la crise tandis que ceux du centre stagnent, et que la croissance mondiale décélère, on voit mal comment on serait « près, tout près » d’une sortie de crise.

Une crise cyclique ?

La troisième idée qui sous-tend le diagnostic optimiste est qu’après la pluie viendra le beau temps. Force est de constater que la stratégie des sociaux-libéraux français repose essentiellement sur cet adage. Lorsque Le Monde a demandé au président français s'il n'avait pas fait preuve de trop d'optimisme, ce dernier a répondu : « Nous sommes à la troisième année de crise. La reprise va arriver, c'est une question de cycle » (01/11/12). Et dans sa première conférence de presse, le 13 novembre, il a eu cette fulgurance : « nous allons sortir à un moment de la crise ». Au début de la Grande Dépression, le président américain Herbert Hoover ne s'exprimait pas différemment. Les dirigeants politiques français pensent que le temps joue en leur faveur et ne semblent pas avoir pris la mesure de cette crise, qui n'est pas de nature cyclique mais structurelle. Voyant ses exigences satisfaites les unes après les autres, et sentant qu’il ne sera pas mis à contribution lorsque la crise ne manquera pas de s’aggraver, le patronat avance ses pions tandis que la population subit chaque jour un peu plus le chômage et les mesures d’austérité. Aujourd’hui 1,92 million de personnes sont privées d’emploi depuis plus d’un an, dont 850 000 depuis plus de deux ans. Pour beaucoup, cela signifie pauvreté, exclusion et repli. Sans espoir d’embauche.

Élu sur la promesse du changement, François Hollande mène une politique libérale dans l’attente d’une reprise cyclique qui permettrait ensuite quelques concessions sociales. Peu importe de savoir s’il est lui-même convaincu par cette perspective, si tel ministre socialiste agit avec cynisme, etc. Comme l’avait bien vu Marx, l’idéologie est à la fois la sincérité d’une illusion et un pouvoir, une mystification calculée. Le fait est que la perspective ici décrite est idéologiquement portée et assumée par la social-démocratie française au pouvoir. Or cette crise n’a rien de cyclique, elle est une crise du capitalisme néolibéral mondial doublée d'une crise de l'hétérogénéité du développement économique dans la zone euro. Dans un débat organisé par l’OFCE sur ses prévisions pour 2013, Michel Aglietta expliquait à juste titre que « si la crise s’étend sur l’ensemble des pays importants du monde, c’est parce qu’il se passe quelque chose qui n’est pas cyclique, qui n’est pas une crise financière traditionnelle avec des chocs boursiers ou des crises de change. Chaque zone du monde rencontre des problèmes structurels qui interfèrent avec les problèmes de la zone euro qui est devenue le foyer de la crise […] La zone euro vit dans un scénario ‘à la japonaise’ qui peut durer des années. S’il y a changement du régime de croissance, il n’y aura pas retour du passé pour ce qui concerne la consommation (maintien du niveau de vie par l’endettement), la finance, etc. »16.

Cette analyse, qui rejoint celle de nombreux économistes hétérodoxes, est intéressante. En revanche, l’explication de l’impuissance des classes dominantes européennes avancée par Aglietta est peu convaincante : « rien n’est prévu dans ce domaine, car les politiciens d’aujourd’hui sont loin d’avoir la stature et la visée stratégique des hommes d'État de l’après-guerre »17. Une telle interprétation surestime le rôle des individus dans l’histoire.

Le fédéralisme difficile

En réalité, si une telle issue est hautement improbable c’est d’une part en raison de l’ampleur des transferts nécessaires et d’autre part de l’absence de capital européen unifié.

On peut calculer pour chaque pays de la zone euro le taux de change qui aurait assuré une balance courante soutenable, déterminée par des variables structurelles. En suivant un tel raisonnement, trois économistes ont établi qu’en moyenne « depuis 2005, l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas et la Finlande ont été sous-évalués de 13% alors que la Grèce, le Portugal, l’Espagne et la France ont été surévalués de 23% »18. On peut alors considérer la sous-évaluation pratiquée par les pays du centre comme équivalente à une combinaison de taxes sur les importations et de subventions à l’exportation. Ce néomercantilisme a engendré des transferts implicites « estimés, en moyenne par an de l’ordre de 5% à 6% du PIB de chaque zone en faveur du Nord et au détriment du Sud depuis les années 2000 » (ibid., p. 29). Lorsque le désajustement était maximal, on constatait « des surcoûts équivalents à 14% du PIB pour les pays du Sud en 2008 tandis que les pays du Nord bénéficiaient d’une situation inverse avec des réductions de leurs coûts équivalentes à un transfert de l’ordre de 10% de leur PIB » (ibid., p. 15).

Pour qu’un mécanisme budgétaire compense ces énormes transferts implicites, il aurait fallu un budget fédéral digne de ce nom. Aucun dirigeant européen n’a défendu une telle perspective lors du sommet du 22 novembre sur le budget 2014-2020. Les débats consistaient à savoir s’il fallait maintenir ou réduire un budget européen… qui ne représente aujourd’hui que 1% du PIB de la zone ! Les crédits ne font que reporter les problèmes. Éviter l’éclatement de la zone nécessiterait des transferts, sous la double forme d’investissement fédéraux et d’annulation de dettes. Or le budget européen est verrouillé et la restructuration, engagée le plus lentement possible, risque de faire remonter les taux d’intérêts. Il faudrait alors garantir la possibilité d’un financement des déficits publics à un faible taux d’intérêt (directement par la BCE et/ou par l’émission de titres souverains non négociables et/ou par l’émission de titres souverains négociables mais garantis par la BCE).

Cela semble hors de portée d’une assemblée de fondés de pouvoir d’intérêts capitalistes structurés par l’enchevêtrement de logiques nationales et mondiales plutôt qu’européennes. Historiquement, c’est par un lent processus que « la classe bourgeoise se forma à partir des nombreuses bourgeoisies locales des diverses villes », cela engendra à la fois une concurrence internationale et à l'intérieur des nations, « enfin, tandis que la bourgeoisie de chaque nation conserve des intérêts nationaux particuliers, la grande industrie créa une classe dont les intérêts sont les mêmes dans toutes les nations et pour laquelle la nationalité est déjà abolie »19. Or c’est seulement après ce processus, et non pendant sa dernière phase comme aux États-Unis, que s’est constitué le marché unique européen. C’est l’une des raisons pour lesquelles une fédération européenne capitaliste est assez difficile.

Philippe Légé

2Revue de l’OFCE, « Zone euro : l’austérité pour tous, tous pour l’austérité ? Perspectives 2012-2013 pour l’économie européenne », URL : http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/documents/prev/prev1012/ze181012.pdf

3 Selon les prévisions publiées par la Commission le 13 novembre, en 2013 le PIB de la zone euro augmenterait de 0,1% et celui de la France de 0,4%. Dans les prévisions publiées par l’OCDE le 27 novembre, ces taux sont respectivement de -0,1% et +0,3%.

4 INSEE, Point de conjoncture, octobre 2012. URL : http://www.insee.fr/fr/indicateurs/analys_conj/archives/octobre_2012_ve.pdf

6 Jacques Sapir, « Grèce: un crime se commet sous nos yeux », billet publié sur le carnet Russeurope le 14/11/2012, URL: http://russeurope.hypotheses.org/490 Sur ce sujet, lire aussi : Charles-André Udry, « Grèce : chambardement socio-politique », URL : http://alencontre.org/europe/grece-chambardement-socio-politique-ii.html

7 Les recettes déclinent depuis de le début de la crise. En 2011, elles étaient d’environ 88 milliards d’euros, contre près de 95 milliards en 2008. Du fait de la chute de la production, le ratio recettes / PIB a néanmoins très légèrement augmenté.

8 Source : Céline Antonin, « Fiche pays. La tragédie grecque se poursuit », URL : http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/documents/prev/prev1012/fp11.pdf

12 Michel Aglietta (2012), Zone euro. Eclatement ou fédération, Paris : Michalon, p. 71.

13 Michel Husson, « Economie politique du système euro », Inprecor, n°585/586, aout-septembre 2012. URL : http://hussonet.free.fr/eceuroinp.pdf

14 Aglietta, op. cit. p. 80.

15 Lire à ce sujet le Flash Economie Natixis n°398, URL : http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=64309 Pour des précisions techniques sur la différence entre la dette extérieure et la position extérieure d’un pays, lire: http://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/archipel/publications/bdf_bm/etudes_bdf_bm/bdf_bm_109_etu_1.pdf

16 « Débat sur les perspectives économiques à court terme du 18 octobre 2012 », Revue de l’OFCE, Prévisions 125 (2012), p. 256. URL : http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/documents/prev/prev1012/debat181012.pdf

17 Aglietta, op. cit. p.71.

18 V. Duwicquet, J. Mazier et J. Saadaoui, « Désajustement de change, fédéralisme budgétaire et redistribution : comment s’ajuster en union budgétaire », CEPN Working Paper. URL : http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/74/61/58/PDF/umadjust_cepn_wp.pdf

19 K. Marx et F. Engels (1845), L'idéologie allemande, Paris : Editions Sociales, 1966, p. 88 et 103.

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29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 22:46

 « Je veux que l’immense majorité, la seule majorité : tout le monde, puisse parler, lire, écouter, s’épanouir. Je n’ai jamais compris la lutte autrement que comme un moyen d’en finir avec la rigueur. J’ai pris un chemin car je crois que ce chemin nous conduit tous à cette aménité permanente. Je combats pour cette bonté générale, multipliée, inépuisable. “ Pablo Neruda, poète chilien (J’avoue que j’ai vécu, 1974)

Ce projet de Manifeste des Assises pour l’écosocialisme s’inscrit dans la lignée du Manifeste international de l’écosocialisme publié en 2002 ainsi que de la déclaration écosocialiste de Belem de 2009, pour ouvrir la voie à un nouveau projet politique. Il est très largement soumis à débat, contributions et amendements. Chacun-e, organisation ou individu, est invité-e à y réagir. Pour cela, merci de signaler vos amendements sous trois formes : « ajout » en signalant le numéro de la thèse et la ligne où s’insère le complément « suppression » en indiquant la thèse et la phrase à supprimer « modification » en indiquant là aussi la thèse et le texte à remplacer et de les envoyer avant le 30 novembre minuit à Mathieu Agostini ( mathieu.agostini(at)gmail.com et à Corinne Morel Darleux ( corinne(at)distilled-art.com )

Une synthèse sera proposée après consultations et examen des amendements proposés, en lien avec les débats qui auront lieu lors des Assises pour l’écosocialisme organisées par le Parti de Gauche le 1er décembre. Le « Manifeste des Assises pour un écosocialisme » issu de cette synthèse sera ensuite largement diffusé avec une liste de premiers signataires, organisations et individus. Seront invité-e-s à signer toutes celles et ceux qui le souhaitent, en France et à l’international. Toutes les infos pratiques sur les Assises pour l’écosocialisme sont sur : ecosocialisme.com Projet de Manifeste des Assises – 18 thèses pour l’écosocialisme soumises à amendement – 22 novembre 2012 page I.

QU’EST-CE QUE L’ECOSOCIALISME ?

1.Le renouveau du socialisme.

Le but du socialisme est l’émancipation de la personne humaine par le partage de la richesse entre tou-te-s et l’éducation globale de chacun-e. Nous savons dorénavant que cet objectif ne peut être atteint par la croissance sans fin puisque l’écosystème qui rend la vie humaine possible ne le permet pas.

Ce constat oblige à définir un nouveau modèle de progrès dans lequel doivent être repensés non seulement le système de production et d’échange, mais aussi le contenu des productions et les modes de consommation. Cette approche implique par conséquent l’ensemble de l’organisation sociale et politique. Elle nous oblige à penser de façon nouvelle ce qu’est le vrai progrès humain. Dans ces conditions, nous proposons un nouvel énoncé de notre stratégie pour le futur de l’humanité. Cette nouvelle conscience et son programme d’action sont l’écosocialisme. Ses méthodes sont la radicalité concrète, la planification écologique et la révolution citoyenne.

2.Une alternative concrète et radicale.

L’écosocialisme n’est pas une utopie à laquelle le réel devrait se conformer. C’est la réponse humaine raisonnée à la double impasse dans laquelle est enfermée dorénavant l’humanité en raison du mode de production capitaliste et productiviste de notre temps qui épuise l’être humain et la nature. Elle appelle une pensée et une action politique radicale, au sens où elle doit aller à la racines des causes. Nous combattons donc les quatre moteurs du système actuel. Le consumérisme élevant l’accumulation matérielle au rang de loi à grands coups de publicité et générant des besoins jamais rassasiés ; le creusement des inégalités sociales produisant souffrance et frustrations ; le productivisme épuisant les ressources naturelles ; la mondialisation à l’oeuvre, libérale et liberticide, qui permet le dumping social et environnemental et la délocalisation des émissions de gaz à effet de serre. Nous en désignons les vrais coupables : l’oligarchie financière mondialisée, les idéologues de la concurrence « libre et non faussée » et du libre échange. Face à eux, l’écosocialisme est une alternative pour sortir de la crise, redistribuer les richesses sans attendre, fonder une nouvelle économie des besoins et préserver l’écosystème au nom de l’intérêt général humain.

 

3.Un paradigme de l’intérêt général.

Dans la réalité, avant toute idée humaine sur le sujet, l’être humain et la nature ne peuvent être dissociés. Il n’y a qu’un seul écosystème compatible avec la vie humaine. La nature se présente pour l’homme comme son corps inorganique et leur interaction est celle d’un métabolisme. S’il en est ainsi, puisque nous dépendons tous d’une biosphère unique, alors il est établi objectivement que nous sommes toutes et tous semblables en dépit de nos différences de tous ordres. Il est établi que nous sommes interdépendants dans notre relation à la nature. Il y a donc un intérêt général humain. Comment l’identifier sinon par la libre délibération collective ? Comment celle-ci pourrait-elle être libre si les uns dominent les autres, si des vérités révélées s’imposent en préalable ?

Le paradigme écologiste appelle la démocratie, la laïcité et l’égalité sociale pour pouvoir produire son effet. Enfin, dans la délibération pour déterminer l’intérêt général humain, chacun d’entre nous est appelé à dire non pas ce qui est bon pour lui mais ce qui est bon pour tous. Cela institue la citoyenneté comme devoir et la République comme nécessité. Tel est le lien raisonné qui unit l’écologie politique et la République sociale universelle. C’est cette théorie politique globale que nous nommons écosocialisme. Il s’agit d’un humanisme et d’un universalisme socialiste concret.

4.Une nouvelle synthèse politique à gauche.

L’écosocialisme est un nouveau projet politique réalisant la synthèse d’une écologie anticapitaliste et d’un socialisme débarrassé des logiques du productivisme. Il permet ainsi la jonction des grands courants de la gauche dans un nouveau paradigme politique. Nous avons besoin de ce projet de société alternatif au capitalisme, porteur d’espérance pour une société d’émancipation et de progrès où l’exploitation de l’homme par l’homme aura disparu. Notre projet écosocialiste doit prendre en compte les besoins humains et les limites de la planète. Il doit repenser l’utilité sociale de la production, réfléchir sur nos manières de consommer, sur nos besoins réels, sur la finalité de nos produits et la manière de les produire. Il doit être basé sur la répartition des richesses, la prise en compte des contraintes écologiques, le refus des dominations et oppressions de toutes sortes, la souveraineté populaire et le caractère démocratique, républicain et laïque de l’État. Projet de Manifeste des Assises – 18 thèses pour l’écosocialisme soumises à amendement – 22 novembre 2012 page II.SORTIR DES IMPASSES DE NOTRE TEMPS

5.Le mensonge du capitalisme vert, l’erreur de l’environnementalisme.

Notre écologie est sociale, elle est liée aux combats historiques de la gauche. Nous rejetons la mystification qu’est une certaine vision de l’écologie qui se veut compatible avec le libéralisme. Nous dénonçons le « capitalisme vert », qui sous couvert de développement durable trouve un nouvel aliment pour la mainmise de la recherche du profit maximal, la dynamique impérialiste et le court-termisme. Nous refusons l’écologie qui culpabilise les individus pour éviter le vrai débat : celui de la responsabilité du mode de production capitaliste. Nous refusons une écologie de salon qui prend le problème par le petit bout de la lorgnette environnementaliste, coupée des classes populaires, sans critique sérieuse de l’économie mondialisée et sans vision sociale. Notre écologie aborde les questions d’environnement en faisant systématiquement le lien avec la critique du système économique et les luttes sociales.

 

6.L’impasse sociale-démocrate.

Nous réfutons le triptyque social-démocrate qui voudrait que toute redistribution des richesses passe d’abord par la relance de la croissance économique et la hausse de la consommation matérielle. C’est un double contre-sens. D’une part, il maintient la base matérielle de la puissance du capital financier qui veut nécessairement sa perpétuation et suppose que la répartition de la richesse s’organise à partir « des fruits de la croissance » sans toucher au coeur de l’accumulation déjà acquise. Or nous savons que les richesses existent, et qu’il n’y a pas lieu d’attendre pour les redistribuer : ce qui est en cause c’est l’accaparement de la richesse par les revenus du capital. D’autre part, il repose sur un modèle d’expansion infinie qui est un suicide de la civilisation humaine possible. Le PIB est un indicateur qui ne reflète pas le bien vivre dans une société. S’il est impératif que chacun-e puisse accéder aux biens fondamentaux, si de nombreux domaines appellent une relance de l’activité, tous ceux répondant à l’intérêt général et au bien commun, la relance de la croissance économique tout azimuth, en plus d’être économiquement très hypothétique, n’est ni souhaitable ni tenable du point de vue des ressources naturelles et des écosystèmes. Nous n’attendons donc ni la relance de la croissance ni les effets bénéfiques de l’austérité : nous ne croyons ni à l’une ni aux autres.

7.Le verrou européen.

La politique libérale de l’Union Européenne est verrouillée par les traités actuels et les plans d’austérité. Ils ont tous en commun de prévoir la disparition des services publics, l’extension du domaine marchand et le libre-échange. Cela provoque non seulement le gâchis des compétitions mercantiles, la destruction des services et bien communs au profit des intérêts privés ais aussi l’impossibilité de maîtriser le contenu de la production et de l’échange sur des objectifs de progrès humain. Dans ces conditions, nous savons et nous assumons qu’une politique écosocialiste en Europe passe par la désobéissance à l’Europe libérale et à ses directives, et à la mise en place d’autres rapports de force. Projet de Manifeste des Assises – 18 thèses pour l’écosocialisme soumises à amendement – 22 novembre 2012 page III.INSTAURER UNE NOUVELLE ECONOMIE POLITIQUE AU SERVICE DU PROGRES HUMAIN

8.Mettre l’économie au service des besoins.

Notre écosocialisme suit une nouvelle voie : celle de l’émancipation et du progrès humain. Elle s’oppose à la politique de l’offre défendue par les libéraux et implique de mettre l’économie et le système productif au service des besoins sociaux. Elle induit donc d’inverser la logique traditionnelle de l’offre et la demande et de cesser de raisonner en termes de production à écouler sur le marché. Nos décisions collectives doivent être guidées par les besoins réels et non par des estimations de profits tirés de la mise sur le marché de produits programmés pour tomber en panne, devenir démodés et produire des tonnes de déchets souvent exportés dans les pays du sud au détriment de la santé des populations locales. La planification écologique inverse cette logique en repartant des besoins, qui incluent le droit de tous à vivre dans un environnement sain et donc le devoir de préserver les écosystèmes.

9.Rompre avec les schémas de pensée orthodoxes.

Le changement de paradigme écosocialiste doit questionner la propriété privée des moyens de production, et le rapport au travail. Nous défendons l’appropriation des moyens de production par les travailleurs et les alternatives de l’économie sociale et solidaire en termes d’autogestion et de coopératives. Nous soutenons les propositions portées par des économistes, sociologues et philosophes qui ne se retrouvent pas dans la doxa libérale. Indice de progrès humain, démondialisation et protectionnisme social et écologique, dotation inconditionnelle d’autonomie et salaire socialisé sont autant d’horizons dont nous devons débattre pour sortir des sentiers battus et éviter le piège d’un accompagnement du système. Il nous faut également aller plus loin en matière de réduction drastique du temps de travail : « travailler moins pour travailler tous », fixer le plein emploi comme horizon tout en interrogeant les finalités du travail : rien ne sert de travailler plus que le temps nécessaire à produire ce qui nous est nécessaire.

10.Produire autrement.

La révision en profondeur de notre système de production repose sur ce que nous appelons les « 4 R » : relocalisation, réindustrialisation, reconversion industrielle et redistribution du travail. De nombreux besoins existent tant dans une industrie relocalisée que dans les services aux personnes, l’agriculture paysanne au service de la souveraineté alimentaire, la recherche ou encore les filières « vertes » : écoconstruction, efficacité énergétique, rénovation thermique, énergies renouvelables… Avec l’augmentation du chômage et la crise sociale, l’argument de l’emploi est trop souvent mis en avant au détriment de l’environnement. C’est une absurdité : on voit aujourd’hui le coût économique et social du laisser-faire libéral, là où la relocalisation et la transition écologique permettraient au contraire de créer de nombreux emplois, locaux et pérennes, dans tous les pays.

11.Instaurer la régle verte comme boussole politique.

La « règle verte » est notre indicateur, en lieu et place de la « règle d’or » austéritaire. Elle vise à assurer notre responsabilité devant l’humanité en supprimant la dette écologique. Elle porte la nécessaire réduction de certaines consommations matérielles et la nécessaire relance de l’activité avec un critère systématique d’empreinte écologique. Nous nous fixons comme objectif d’évaluation des politiques publiques de retarder chaque année, jusqu’au 31 décembre, le « jour du dépassement global», c’est à dire la date où nous avons prélevé à l’échelle mondiale le volume de ressources renouvelables égal à ce que la planète est en mesure de régénérer et les déchets qu’elle est capable de supporter. Projet de Manifeste des Assises – 18 thèses pour l’écosocialisme soumises à amendement – 22 novembre 2012 page IV.COMMENT FAIRE LA REVOLUTION ECOSOCIALISTE ?

12.Faire converger les luttes.

Notre objectif de rupture civilisationnel impose d’ouvrir l’action politique au plus grand nombre, et non de rester entre convaincus, ni de dresser les uns contre les autres. Nous avons au contraire besoin d’un « compromis inédit entre bleus de travail et souci de la planète ». Nous sommes donc aux côtés des salarié-e-s qui résistent et sont porteurs de projets alternatifs sociaux et environnementaux. La reconversion écologique ne se fera pas sans eux, encore moins contre eux. Le souci aujourd’hui n’est pas l’industrie ou la technique en soi mais l’absence de contrôle citoyen. Nos adversaires dans cette bifurcation radicale de société ne sont pas les chercheurs ou les salariés de l’industrie, mais bien les banquiers et les actionnaires qui orientent la production en fonction de leurs intérêts privés et non de l’intérêt général.

13.Mettre en oeuvre la planification écologique.

La planification écologique impose la prise en compte du temps long et la maîtrise publique, le tout placé sous contrôle des travailleurs et usagers. Elle s’associe pleinement à la révolution citoyenne pour devenir « un mélange détonant d’utopisme révolutionnaire et de technicité administrative ». Le Plan écologique donne la possibilité d’organiser la bifurcation vers un autre mode de développement, en interrogeant nos besoins et en réorientant production, échange et consommation en vertu de leur utilité sociale et écologique. L’école de la République, à travers les voies professionnelles, technologiques et générales, doit organiser l’élévation des connaissances et des qualifications afin de réussir cette bifurcation et faire émerger de nouvelles filières. Des « conférences de participation populaire » doivent être organisées pour redéfinir les critères d’utilité sociale et environnementale et l’articulation avec les politiques européennes et les actions locales. La planification écologique organise l’intervention continue des salariés dans la gestion des entreprises, dans le prolongement de la convergence croissante des luttes sociales et environnementales.

14.Pas d’égalité sans République.

Nous affirmons l’exigence d’un haut niveau de culture commune pour l’école de la République qui permette l’émancipation individuelle et collective, seule à même de garantir le consentement à un contrat social partagé par tous. Nous réaffirmons le rôle de la collectivité, de l’État et des services publics. Ils sont certes à refonder dans une Sixième république pour assurer la souveraineté populaire, par une profonde réforme institutionnelle et les moyens démocratiques d’une nouvelle implication citoyenne, mais ils restent indispensables pour planifier la rupture, construire un cadre de société émancipateur et garantir l’égalité d’accès aux droits fondamentaux pour tou-te-s, partout. Nous appuyons la mise en place d’un cadre de société qui rende les alternatives possibles et un « ménagement » du territoire à rebours de l’étalement urbain, de la concentration des populations dans des mégalopoles et de la mise en concurrence des territoires. Nous militons pour un nouvel urbanisme qui rapproche les fonctions indispensables au « bien vivre » (services publics, logement, emploi, biodiversité, agriculture paysanne). Nous refusons de laisser au marché les biens communs comme l’eau ou l’énergie, et les services publics qui jouent un rôle social et écologique essentiel : électricité, services postaux, transports collectifs… Ceux-ci doivent être nationalisés et placés sous la maîtrise publique en repensant l’articulation entre l’État, garant de l’égalité républicaine, et l’action des citoyens, syndicats, associations et usagers.

15.Lutter et résister pour inventer.

Nous combinons propositions programmatiques et présence dans les luttes sociales et environnementales, aux côté de toutes celles et ceux qui résistent. Nos militant-e-s s’impliquent dans le développement d’alternatives concrètes : circuits courts, associations pour le maintien de l’agriculture paysanne, soutien aux ceintures vivrières et actions contre l’artificialisation des sols, collectifs de villes en transition, reprise d’entreprises par les salariés, systèmes d’échanges locaux, épargne citoyenne et monnaies complémentaires, habitat collectif et co-voiturage… Ils sont actifs dans des actions de désobéissance civique non violente, opérations anti-publicité ou réquisitions de logements vides. Nos élu-e-s, dans une démarche cohérente entre leurs discours et leurs actes, font vivre la gauche par l’exemple en prenant des mesures d’interdiction de la publicité, de retour en régie publique de l’eau ou encore d’extension de la gratuité des services publics. Projet de Manifeste des Assises – 18 thèses pour l’écosocialisme soumises à amendement – 22 novembre 2012 page

16.Mener la bataille culturelle.

Nous menons le combat idéologique par l’éducation populaire pour décoloniser l’imaginaire. Nous dénonçons la vision d’un individu-consommateur docile, soumis aux impératifs du productivisme qui nous fait désirer des productions nuisibles et inutiles, fabriquées à l’autre bout de la planète dans des conditions de travail indignes et sous des législations environnementales défaillantes voire inexistantes. Nous combattons ses bras armés que sont la publicité, avec son cortège de marchandisation des corps et de sexisme, la mode et les médias qui nous conditionnent et nous soumettent à une injonction d’achat permanente, relayés par les organismes de crédit. Cette bataille idéologique est aussi une bataille de vocabulaire. Nous refusons également la politique de l’oxymore : les gardiens de la paix qui deviennent des forces de l’ordre, la vidéosurveillance « vidéoprotection », les cotisations des « charges » ou le nucléaire une énergie décarbonée.

17.Porter un combat internationaliste et universaliste.

Il n’y a qu’un écosystème humain, les décisions prises à un endroit sur la planète ont des répercussions partout ailleurs. Nous reconnaissons la responsabilité des pays dits du Nord, de l’Organisation mondiale du commerce, du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale vis à vis des peuples du Sud. Nous dénonçons l’industrialisation effrénée et ses effets sur le climat mondial, le pillage des ressources naturelles, l’accaparement des terres arables, ou encore les règles imposées par la Troïka. Nous défendons la création d’un Tribunal international des crimes contre l’environnement. Nous contribuons aux débats pour lier politiques de développement et de progrès social et préservation de l’environnement. Nous soutenons et nous inspirons des alternatives à l’étranger : révolutions citoyennes et Printemps arabe, refus de la dette en Argentine, assemblée constituante en Islande, initiative Yasuni ITT pour laisser le pétrole sous terre en Équateur. Nous souhaitons fédérer ces différentes convergences au sein d’un Forum mondial de la révolution citoyenne.

18.Mener la révolution citoyenne pour l’écosocialisme.

Compte tenu de l’ampleur de son objectif, la remise en cause du modèle productiviste capitaliste ne peut résulter d’une simple alternance électorale et de décisions venues d’en haut. Elle exige que les majorités parlementaires écosocialistes conjuguent leur action avec des mouvements d’implication populaire dans tous les domaines de la vie de la société. Cette réappropriation de l’initiative politique des citoyen-ne-s dans le but de déterminer partout et sur tous les sujets quel est l’intérêt général, c’est ce que nous nommons la révolution citoyenne. C’est une révolution. Car elle met en place dans de nombreux secteurs une forme sociale de la propriété des moyens de production, parce qu’elle change les institutions politiques du pays et parce qu’elle change la hiérarchie des normes qui organise la société, la production et l’échange. Elle est citoyenne. Car elle veut donner le pouvoir de chacun non pour l’intérêt d’une catégorie sociale en particulier mais pour le bien de tout humain et qu’elle se donne des formes institutionnelles et se soumet au suffrage universel, dans le pluralisme politique. Ni avant-garde éclairée, ni dictature verte, ni repli ethniciste, nous défendons donc la voie démocratique de la révolution citoyenne, refusons que le désespoir et la colère ne basculent du côté de la haine, et nous engageons à créer les conditions pour que fleurisse la révolution écosocialiste.

Projet de Manifeste des Assises – 18 thèses pour l’écosocialisme soumises à amendement – 22 novembre 2012 page

 

Source: Pays de Brest du Parti de Gauche.

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25 novembre 2012 7 25 /11 /novembre /2012 14:18

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22 novembre 2012 4 22 /11 /novembre /2012 20:36

Le soir vendredi 15 novembre 2012, la 5eme manifestation à moto anti-fasciste a eu lieu dans les quartiers du centre-ville d’Athènes.  Plus de 300 motos y ont participé commençants du quartier Exarcheia. C’était une réponse forte à l’attaque policière contre la pareille du 30 septembre qui a résulté l’arrestation et les tortures des 15 manifestants.

Sur la vidéo, le départ de la manif :

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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 19:01

Le procès de notre camarade Seb vient de s’achever, le moment est venu de faire le bilan de la campagne de solidarité, et de la replacer dans son contexte.

Seb avait été arrêté le 17 juin à Hénin-Beaumont avec 5 autres camarades, peu de temps avant l’annonce du résultat du second tour des législatives.

En cas d’élection de Marine Le Pen, un appel à rassemblement avait été lancé : dans les rues du centre-ville d’Hénin-Beaumont, de nombreuses personnes attendaient les résultats, tandis que des effectifs policiers renforcés pour l’occasion étaient stationnés près du commissariat.

 

Pour les personnes avec qui nous avons discuté sur place, il était important de se regrouper dans le centre-ville ce soir-là, pour marquer une présence, et rendre visible l’opposition populaire locale qui existe bel et bien, face à la progression du fascisme.

Quoi de plus normal, que de refuser de laisser place nette en cas de victoire de Marine Le Pen?

Mais à l’évidence, pour l’Etat et sa Police Nationale, il aurait été préférable que la foule se disperse, que chacun rentre chez soi et qu’une atmosphère de couvre-feu s’installe dans les rues d’Hénin-Beaumont…

En effet, plusieurs témoignages nous ont permis d’établir que les controles d’identité musclés effectués peu avant 20 heures en plusiers points de la ville ciblaient uniquement les personnes qui, pour la police, ressemblaient de près ou de loin à des militants antifascistes ou « de gauche ».

C’est dans ces circonstances qu’a eu lieu l’arrestation de nos 6 camarades par un impressionnant dispositif composés de policiers en uniforme, d’agents de la BAC et de la DCRI, certains spécialement envoyés de Lille pour l’occasion.

Les 6 camarades ont été fouillés. Les policiers du renseignement, sortant leurs mains des sacs à dos, ont brandi triomphalement (et illégalement confisqué) des tracts et des autocollants…

Il est vrai aussi que certains camarades avaient osé pensé à apporter de quoi se défendre, dans l’hypothèse d’une agression par une bande de néo-nazis. Ce scénario n’est pas fantaisiste, pour la simple et bonne raison qu’il existe des précédents.

Mais pour les policiers sur place, cette arrestation représentait un coup de filet exceptionnel. Selon eux, « le pire venait d’être évité », car de toute évidence, les 6 camarades se préparaient à attaquer le siège du Front National!

Nous pouvons certifier que nos camarades marchaient tranquillement dans la rue et n’avaient aucunement une allure agressive, et pourtant c’est dans le cadre d’une affaire de « participation à un groupe violent et armé » qu’ils ont été menottés et placés en garde à vue pour la nuit au commissariat de Lens…

Puis, comme nous l’avons déjà relaté ici, l’arrestation a débouché sur deux chefs d’inculpation, et le procès de mardi dernier, dont le compte-rendu est visible ici.

Notre camarade Seb écope donc de 300 euros d’amende pour port d’arme de 6eme catégorie, et d’un mois de prison avec sursis pour refus de fichage ADN. Nous n’avons pas obtenu la relaxe, mais les peines sont moins importantes que celles requises par le procureur, ce qui prouve que la solidarité et la lutte ont pesé dans le verdict.

Un repas végan a été organisé pour collecter des fonds.

Mais que s’est-il passé dans le bassin minier depuis le mois de juin, pendant que l’Etat et ses bras policier et judiciaire étaient occupés à réprimer les militants antifascistes?

Le bassin minier est devenu un des enjeux prioritaires pour les diverses tendances du fascisme :

Il y a eu cet été le « week-end du Trident » à Auchel, organisé avec le concours de le Maison de l’Artois, une structure proche des fascistes de Troisième Voie et de la mouvance « solidariste ». Pendant deux jours, des bandes de néo-nazis ont paradé en ville, exhibé cagoules et masques de Hitler, et occupé un terrain municipal pour une partie de foot. Cette occupation de l’espace public par des fascistes a suscité un rejet total de la part de la population, mais on n’a pas vu l’ombre d’un uniforme de police à Auchel durant tout le week-end.

Ce n’est que trois mois plus tard, en octobre, que la dissolution de la Maison de l’Artois sera prononcée par l’Etat.

Il y a eu aussi en octobre un épisode judiciaire totalement passé sous silence par les médias bourgeois, alors qu’un journaliste de la Voix du Nord était présent le jour du procès: le Front National vient d’être condamné par la Cour de Douai à verser 14000 euros de dommages et intérêts pour usurpation d’identité, suite à un épisode de la campagne législative à Hénin-Beaumont, où deux militants frontistes se sont faisant passer pour des policiers et ont demandé à un jeune écologiste d’arrêter de distribuer ses tracts sur le marché.

Pendant ce temps, non contents de se faire passer pour des policiers, les militants du Front National profitent de la crise et des fermetures d’usine pour toucher la population ouvrière, et marteler son discours haineux et nationaliste.

Les groupes néo-nazis se structurent dans le secteur, et se rassemblent en nombre et au grand jour, à Lens, Douai, Libercourt…Il est de plus en plus dangereux d’afficher son antifascisme, tellement le risque d’agression est devenu élevé.

Voilà pour le contexte local. Et c’est là qu’on apprend que la ville de Toul en Moselle a accueilli le week-end dernier un rassemblement de 2000 néo-nazis. Selon France 3 Lorraine, « la Préfecture de Meurthe-et-Moselle et la mairie de Toul ne sont pas intervenues et aucun représentant de l’ordre n’était présent dans la salle pour constater les multiples infractions administratives et pénales : incitation à la haine raciale ou encore appel au meurtre.

Seuls des policiers et un renfort de la CRS 39 a été dépêché sur place pour éviter tout débordement en dehors du lieu de la manifestation. »

On voit ici clairement la tendance qui ne fera que s’accentuer dans le futur : l’Etat et la bourgeoisie penchent inévitablement en direction du fascisme. Les composantes les moins aggressives de la bourgeoisie auront beau rechigner à ouvrir un espace de plus en plus grand à des mouvances fascistes à leurs yeux peu fréquentables, mais objectivement cela ne changera rien. Dans ce contexte de crise généralisée du capitalisme, la bourgeoisie a besoin du fascisme et des fascistes pour « faire le sale boulot » et préserver ses intérêts. Le nationalisme et les valeurs fascistes font lentement leur chemin au sein du peuple.

En tant qu’antifascistes, nous n’avons rien à attendre de l’Etat, ni pour nous protéger, et encore moins pour freiner l’avancée du fascisme. Les agissements de la police à l’égard de nos camarades ne visent qu’à nous diviser et à nous faire passer pour des groupes violents et en marge de la société. Nous ne pouvons compter que sur nos propres forces pour combattre les valeurs fascistes, en y opposant nos propres valeurs.

A nous, donc, de construire l’unité populaire antifasciste!

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20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 14:08

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18 novembre 2012 7 18 /11 /novembre /2012 18:23
Déclaration du syndicat ouvrier d’Israël WAC-MAAN (Workers Advice Center), 16 novembre 2012 :

Les opérations militaires israéliennes lancées mercredi 14 novembre sur la Bande de Gaza sont le résultat d’années perdues par le gouvernement de droite de Netanyahou. Le gouvernement de Netanyahou a refusé de façon constante de négocier un retrait de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est avec les Palestiniens. Il a continué à étendre les colonies sur les terres palestiniennes tout en permettant le développement de bandes fascistes dans ces colonies.

Avec un processus de paix dans un coma profond, nous arrivons maintenant à un nouveau cycle de violence qui ne résoudra rien. Les dirigeants israéliens déclarent qu’ils défendent leurs citoyens du sud, mais tout le monde sait qu’en réalité la guerre actuelle ne peut produire qu’une trêve temporaire. Le plan d’Israël est de maintenir Gaza séparé de la Cisjordanie, en annulant toute perspective de solution par l’annexion de facto de la Cisjordanie. Que le Hamas accepte cette séparation pour maintenir Gaza sous son contrôle et le Hamas deviendra un partenaire acceptable pour Netanyahou. La guerre est menée pour terroriser la population et pousser le Hamas à une position acceptée par Israël.

 

En plus, sous le prétexte de cette guerre, le gouvernement Netanyahou cherche à détourner l’attention de l’opinion publique des besoins sociaux des Israéliens ordinaires, en particulier ceux du Sud, dont les besoins sont devenus dramatiquement grands depuis le pillage des biens de la nation par une vingtaine de riches familles.

Dans des quartiers de Tel Aviv, on peut se croire à Beverly Hills, mais ce que l’on peut voir dans les bourgs juifs et arabes du Néguev c’est la pauvreté, le chômage et la disparition des services publics. Tout le monde sait que Netanyahou prévoit un plan d’austérité drastique. Craignant de perdre des voix aux prochaines élections, il tente de modifier l’agenda en poursuivant une guerre insensée qui a déjà provoqué des dizaines de morts et qui est loin d’être finie.

En tant que syndicat indépendant unissant des travailleurs juifs et arabes sur une base égalitaire, nous ne pouvons rester indifférents à cette guerre sanglante qui pousse des travailleurs à soutenir leur véritable ennemi de classe. Nous sommes aujourd’hui avec nos frères et nos soeurs palestiniens, les travailleurs et les pauvres de Gaza et de Cisjordanie, qui paient le prix le plus élevé de cette guerre.

Nous savons tous que les seuls bénéficiaires de la guerre sont le gouvernement de droite en Israël et le gouvernement Hamas à Gaza, qui tous deux refusent de négocier. L’extrémisme continue à prospérer alors que les ouvriers des deux côtés de la ligne de 1967 souffrent.

C’est la tradition du mouvement ouvrier de s’opposer à la guerre et de défendre la fraternité entre ouvriers palestiniens et israéliens. Nous appelons le mouvement ouvrier international à prendre la direction de la revendication de cessez-le-feu à Gaza, à se tenir fermement contre l’occupation israélienne et à demander l’avancée vers une solution pacifique basée sur une Palestine indépendante avec Jérusalem comme capitale. Ce n’est qu’une fois ces revendications acceptées que nous pourrons construire nos deux pays, offrir des emplois décents, l’éducation et la santé au lieu de dépenser des milliards dans des guerres qui ne mènent nulle part.

 

Source : Réseau Militant

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Non au Front National !

Camarades ,

Ne nous livrons pas aux chants des sirènes fascistes, qui sous couvert d'un discours anti-systémique bien rôdé, ne visent qu'à instaurer un régime aux relents des années 30. Ne soyons pas naifs face à ce nouvel ordre moral que veulent imposer par le mensonge et la peur les tenants de la haine et du "sang pur". Sous couvert d'une fausse expression démocratique et médiatique, le FN ne s'est jamais détaché de ce qui a construit son origine : une droite populaire qui rejette le prolétaire, une droite chrétienne qui rejette le non-croyant ou l'autre croyant, une droite corporatiste qui rejette l'union des travailleurs. Le FN a ses petits groupuscules néo-nazi dont il se défend d'être en lien publiquement mais avec qui il travaille bien tranquillement  : GUD, bloc identitaire et autres "natios".

    Et lorsque l'on se penche sur son programme politique le vernis craque : Contre la retraite par répartition et tout ce qu' a fondé le CNR de 1945 (où était-il lors des manifs de 2010 ?)  , contre les droits des salariés ( poujadiste un jour, poujadiste toujours !) etc... 

De nombreux documents démontrent l'imposture du FN. L'UPAC vous en propose deux :

- Celui du collectif communiste Prométhée dans son numéro 85, (site net : http://promcomm.wordpress.com), 5 pages.

-Celui du collectif VISA (Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes), qui s'intitule "FN, le pire ennemi des salarié(e)s" et dont le lien est sur le blog, 29 pages. 

 

Ne lâchons rien ! 

Face au bras tendu du facho, levons le poing ferme du prolo !! 

 

Vêtements et accessoires skinheads et Antifas.

            Site "La Pétroleuse" : Clic<  link

 

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           Site "La Boutique, Tapage Rock" : Clic<  link

 

            Site "Antifa Wear" : Clic<  link

 

          Site "Ni Dieu, Ni Maitre": Clic< link   

 

             Site "FFC Production": Clic< link

 

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Modèle 25 mm

 

Badge-UPAC-GM.jpg

 

 

 

Modèle 32 mm.

 

badge-UPAC.jpg

 

 

Fabrication "FFC Production".