Le titre de leur programme Justice est « Pour une justice enfin efficace ». Bref, un slogan, rien de plus normal. Mais à lire en
détail ce qui suit, on prend peur à percevoir où le FN situe la notion d’efficacité et de justice tout simplement.
1- Sur l’introduction du programme :
Déjà, première ligne et première erreur de concept : « La main de justice est l’emblème du pouvoir ». A moins
de ne pas connaitre ce sur quoi se base le contrat sociétal français qui repose sur la conception de Montesquieu « DES » pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire, cette
première remarque ne fait que noter la vision corporatiste voire poujadiste du FN qui, sans doute pour flatter le monde judicaire, donne une importance organique fausse des rapports, ceci, afin
de mieux les trahir par la suite. Ce qui va se révéler vrai.
Puis, on subit la sempiternelle ritournelle de la peur. Le FN nous évoque un monde « presque réaliste où
l’on volerait dans les rues, où l’on ne pourrait plus laisser sa voiture garée, où l’on se barricaderait derrière des murs d’alarmes, où la nuit on craindrait de se promener, où les pompiers
seraient frappés, les policiers écrasés, tués à coups de sabre, où la loi religieuse des uns imposée aux autres, la différence des uns imposée aux autres, la vie commune serait
impossible. ». Si avec cette description apocalyptique le citoyen n’a pas soif d’une justice sauce FN, cela ne saurait tarder !
2- Sur leur analyse et leurs propositions:
a-Budget
On ne peut être que d’accord avec les remarques sur la pauvreté budgétaire et la lenteur de la justice, ce ne sont qu’évidences et lieux communs.
Même si le chiffre annoncé par le FN pour illustrer son propos budgétaire, soit une part de 0,18% du PIB peut être relativisé juste par souci de le contrarier. En effet, lorsque l’on rapporte ce
chiffre au nombre d’habitants cela amène la France dans la première partie des pays à ce sujet devant l’Angleterre, l’Italie et l’Espagne avec 32500 euros par habitants (Voir étude de la CEPEJ) .
Donc rien d’exceptionnel, certes, mais ni de dramatique non plus. Quand on annonce des chiffres dans un programme politique il ne suffit pas de « balancer » un indicateur pour illustrer
un propos, encore faut-il être un tant soit peu sérieux et exhaustif.
Ensuite, parce qu’avec le FN tout étant affaire de manipulations, il faut lire plus loin. Puisque lorsque le FN parle de
« revaloriser » le budget de la justice de 25% en 5 ans, soit 1,75 milliards de 7 milliards du dernier budget 2012 sur 5 ans soit 350 millions par an, cela équivaut
bien à une revalorisation de 25%- c'est-à-dire la part cumulée des 5 ans d’augmentations sur la part unique du budget annuel- mais à une augmentation réelle de 5 % par an-soit
la part annuelle de l’augmentation sur la part annuelle du budget- . Ce qui n’est pas tout à fait pareil, le dernier gouvernement ayant augmenté le budget 2012 de 4,15 %. Les efforts budgétaires
du FN sont donc en réalité peu supérieurs à la politique budgétaire critiquée et loin d'être en corrélation avec un volonté affichée d'en faire une priorité et loin de répondre à leur politique
de grands travaux annoncée par la suite.
b-Magistrature
On remarque que le FN fait un lien de cause à effet entre le faible nombre de magistrats et l’augmentation de la délinquance :
« Depuis la première guerre mondiale le nombre de magistrats a à peine augmenté, ce qui n’a pas été le cas de la délinquance… ».
Quel rapport ?! Où se situe le lien de causalité ? Serait-ce le seul nombre important de délinquants qui justifie le seul nombre a augmenter de magistrats ?
Serait-ce la petitesse du nombre de magistrats qui crée cette situation d’augmentation de la délinquance ? Raccourci, amalgame et raisonnement simpliste de la part du FN.
Mais concernant les magistrats, leur cas n’est pas clos.
« Il y a en France 8355 magistrats -dont près de 500 en disponibilité- ». Pourquoi le FN noie t-il ces « 500 » magistrats en
disponibilité dans un argumentaire chiffré de plusieurs lignes (5 lignes). Il faut mettre cela en corrélation avec leur proposition suivante : « En conséquence, le nombre de
magistrats sera revu à la hausse afin de rendre la Justice plus rapide, et donc plus juste. La France doit viser le ratio de 20 magistrats pour 100 000 habitants en 2017, contre 12 pour 100 000
aujourd’hui ». Nul doute que les mises à disponibilité seront à coup sûr arrêtées pour réintégrer les magistrats dans leurs postes.
Et ceci est bien dans une logique répressive des droits des fonctionnaires puisque par la suite le FN propose aussi : « la suppression
du droit d’être syndiqué, de la possibilité de s’engager politiquement ou d’être candidat, d’écrire ou de témoigner au sujet d’une quelconque affaire ayant trait à leur fonction. ».
Cette façon de penser le magistrat sous couvert d’une déclaration de bonne intention sur une meilleure « indépendance et de
neutralité » est dans la droite ligne des conceptions extrémistes. C’est mettre au pas et aux ordres la justice au pouvoir de l’état politique. Le FN qui dans son introduction se vantait de
ne pas vouloir « que le pouvoir ne réduise les magistrats au statut de petits pois… » fera justement l’inverse . Encore une
contradiction et un mensonge.
Mais si l’on est attentif tout est résumé dans cette phrase : « La neutralité du juge est une des conditions de la confiance que le justiciable peut avoir en lui, ni juge de droite, ni juge de gauche,
mais juge de justice ! » C'est-à-dire de « justice » du seul parti politique au pouvoir : le FN si il y accède. Et c’est aussi faire peu de cas de la
conscience professionnelle des acteurs de la justice, c’est même leurs faire insulte. Les magistrats apprécieront.
c- Pénitentiaire
Concernant le système carcérale, le FN part du constat suivant : « La France compte en effet 56 000 places de prison disponibles pour 64 000 écroués. ». OK…
Et après un laius pseudo- humaniste «Une telle situation est dangereuse pour les personnels, elle est inhumaine pour les condamnés à la rétention
et non à l’humiliation. Elle ne permet pas une juste et complète application des peines. Elle ruine l’idée de réparation pour la victime et entrave l’espoir d amélioration du prisonnier. »,
voilà ce que le FN propose, preuve qu’il ne connait rien du milieu dont il parle.
-« Un vaste plan carcéral sera adopté afin de créer, dans les plus brefs délais, 40 000 nouvelles places de prison. Il s’agit là d’une
mesure de bonne administration, d’un impératif humanitaire, mais aussi d’un préalable à toute politique d’application des peines. Avec 40 000 places de prison supplémentaires, la France se
placera dans la moyenne européenne. » C’est la surenchère avec Sarkozy qui voulait en octobre en faire 30 000 et avec le Ministre de la Justice, M.Mercier qui en a proposé récemment au
parlement 24 000(-6000 en 3 mois). Et comme pour Sarkozy comme pour Mercier, nous dirons au FN : irréalisable et contre-productif.
Irréalisable car les précédents plans de construction, le programme 13000 places de 1987 pour 25 établissements comme le programme 13200 places
de 2002 se sont étalés sur presque plus de 10 ans chacun. Avec le FN, il va falloir construire uniquement des prisons, pas d’écoles, pas d’hôpitaux, une vraie vision porteuse pour la
société…
De plus, ces travaux d’extensions du parc immobilier pénitentiaire n’ont jamais résolus les problèmes de l’enfermement depuis 25 ans car c’est
d’une réflexion sur ce qu’est la prison et surtout sur ce qu’elle n’est pas qu’il faut avoir. Mais le FN dont les conceptions humanistes et solidaires plongent dans le caniveau des pensées les
plus réactionnaires et conservatrices ne peut évidemment que proposer que du « tout enfermement » et de l’application stricte des peines, ce qui est un non-sens
justement sur le sens de la peine.
Mais le plus tordu car implicite, c’est aussi l’interdiction des syndicats pénitentiaires. En effet, la démonstration est faite très
explicitement que le FN veut interdire les syndicats de magistrat puisqu’il l’écrit, mais le propos suivant de sa part nous joint à cette conclusion : « Le rattachement de
l’administration pénitentiaire au ministère de la Justice sera sanctuarisé, dans un objectif de cohérence ». Cette simple phrase scelle aussi l'avenir syndical pénitentiaire. Elle n’a pas
d’autre signification que, pour être en « cohérence », les agents pénitentiaires, surveillants en premier puis conseillers d'insertion et de probation (travailleurs sociaux) en second
puis enfin les agents administratifs et techniques,soient sous le même statut que les magistrats, en d’autres termes sous le coup de l’ « interdiction de ce syndiquer ». Beau tour
de passe-passe !
Gageons que pour les fonctionnaires de la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse) se soit aussi le même régime.
c- Sur les autres propositions
Nous passons rapidement sur leurs propositions à l’égard des jeunes délinquants et la stigmatisation des délinquants étrangers. Ici, on
est dans le discours traditionnel fascisant du parti frontiste avec les notions d’embrigadement ou d’exclusion pour les premiers et d’expulsion pour les seconds.
Nous passons aussi rapidement sur la proposition concernant l’emplois des retraités qui est simplement une réserve civile que Sarkozy
s’est déjà employé à développer et qui est une véritable exploitation des plus vieux additionnée à une politique de chômage des plus jeunes.
Pour ce qui est de « redonner une vraie place à la victime dans le processus judiciaire ». Ce n’est rien d’autre que la légalisation du
jugement « in subjectivo » c'est-à-dire tout le contraire de la position objective que nécessite la décision judiciaire basée sur une matérialité des faits et un débat contradictoire
basé sur le Droit et non sur le ressentiment personnel, factuel ou affectif. Là aussi, le gouvernement actuel a tracé le chemin. La aussi, le FN ne fait que lui emboiter le pas.
Autre proposition : « Renforcer le secret de l’instruction notamment en interdisant que le nom du juge en charge de l’affaire soit cité
jusqu’à la fin de l’instruction, ce afin de renforcer son indépendance à l’égard de l’opinion publique et de préserver sa sérénité. » Cette phrase a un sens bien précis. Elle ne vise
évidemment pas le renforcement de l’indépendance des juges mais a pour but le bâillonnement de l’enquête indépendante ou extérieure c'est-à-dire en particulier les investigations journalistiques.
Et ce qui a aussi pour conséquence de mettre hors du jeu l’opinion publique dans le regard critique qu’elle peut avoir et sur le moyen de pression qu’elle peut exercer sur le pouvoir.
Fin des syndicats, des magistrats et des agents aux ordres tels des soldats, une répression des plus jeunes comme des étrangers (voire pourquoi
pas des opposants politiques), des médias vidés de leur sens critique , une opinion publique n’ayant qu’un son de cloche et une justice basée sur le romantisme. Voilà bien ce que le programme sur
la justice du FN nous promet si nous lui faisons son lit en acceptant de telles idées qui n’ont pas d’autre nom que celui de Fascisme.
L'UPAC.