
Le 9 février 2001, Michele Deroma, Federico Pais, Riccardo Sotgia et Salvatore Nurra ont été arrêtés au cours du braquage d’une bijouterie à Luras (Sardaigne). Le 13 juillet 2001, Federico, Torre et Ricardo ont pris 5 ans et quatre mois, Michele a pris 7 ans et quatre mois plus un an de contrôle judiciaire (il a pris plus parce que récidiviste). L’appel a eu lieu le 15 janvier 2002 et a confirmé les peines
Je suis un homme libre, et comme homme libre, je suis allé faire un braquage. Je suis libre, même maintenant alors que j’écris derrière les barreaux d’une prison sordide, monument de la démocratie répressive de l’Etat. Je suis libre parce que je suis hors des murs gris surveillés par les fidèles chiens en uniforme, je suis loin des barbelés rouillés, parce que je vis dans chaque acte de rébellion, je fais partie de chaque révolutionnaire, de chaque prolétaire, de chaque exploité.
Il y en a qui pensent que la solution à leur problème est d’enfermer certains d’entre nous (toujours trop malheureusement !) dans ces quelques mètres carrés, en nous privant de la
liberté de nos corps, mais ils ne comprennent pas que la liberté ne réside pas dans les corps.
Est-ce que l’employée qui, tous les matins, va à son bureau qu’elle hait parce qu’elle est victime du chantage de ceux qui lui donnent un salaire misérable pour survivre, est libre ?
Est-ce que l’ouvrier, la cuisinière, le mineur, l’enseignant, victimes du même chantage à vendre à bas prix leur corps sur un étalage du “marché du travail” sont libres ?
En quoi sont-ils/elles différentEs des prostituées qu’ils/elles dénigrent tant, ces gens bien ?
Est-ce que la fille, l’enfant, dont la conscience, la moralité, la sexualité sont quotidiennement violés par la morale tordue et religieuse qui imprègne chaque parcelle de notre société, sont libres ?
Est-ce que mon père était libre lorsqu’il a abandonné sa langue pour utiliser celle du patron ? Est-ce que ma mère était libre quand, pour me soustraire à l’exclusion et à la violence de l’impérialisme italien, elle a décidé de ne pas m’enseigner notre langue ?
Et pourtant le monde est rempli d’hommes et de femmes “libres” comme tous ceux-là, femmes et hommes qui ne se rendent même pas compte que leur cellule est bien plus petite que la mienne, parce qu’elle ne dépasse pas leur épiderme : ils sont à la fois prisonniers et leur propre prison… prisonniers d’eux-mêmes. Leurs ailes sont engluées par un liquide visqueux et liberticide que les Etats répandent sur les individus, communautés, pour les empêcher de voler et d’observer les monstruosités qu’ils accomplissent sur la terre…
Nous, délinquants, malfrats, hors-la-loi, nous ne sommes pas un problème pour la société, mais un fruit de son problème, nous sommes ses enfants : nous sommes fils de l’inégalité et de l’injustice légalisée, et tant qu’il y aura un monde basé sur l’inégalité, nous serons là, ses fils, en promenade de par le monde, toujours prêts à se réapproprier ce qui est à nous.
Tant que le “système actuel” engendrera des souffrances, il y aura des mains souffrantes prêtes à s’armer contre lui pour être libres. Tant que tout cela continuera à exister, il y aura des consciences prêtes à comploter, subvertir et attaquer l’existant.
Ce sont ces mains et ces consciences, armées par la volonté de combattre, qui me donnent aujourd’hui, ici en taule, la force de vivre et de lutter avec la certitude que, demain, nous serons encore ensemble, unis dans cette même lutte ; que nous continuerons encore, côte à côte, dans le futur, parce qu’il nous appartient.
Je vous embrasse.
Solidarité avec tous les camarades poursuivis, perquisitionnés, persécutés par l’impérialisme bourgeois
Pour la fin du 41bis [les prisons spéciales italiennes] et de tous les régimes d’incarcération spéciaux dans le monde
Pour la libération immédiate de tous les malades en phase terminale ou qui ont une maladie grave
Pour la libération immédiate de ceux qui ont passé vingt ans en prison
La lutte n’est pas un devoir moral mais le plus sublime des plaisirs
Torre Nura,
de la prison de Badh’’e karros.
Traduit de l’italien, tiré de Su Gazetinu (via Melas 24 - 09040 Guasila (CA) - Italie), n°5, janvier/février 2002, p12. Extrait de Cette Semainel n°86, p.12, janvier-février 2003.